Séjour pour raison médicale : Témoignage de MM Y

Je suis arrivé en France envoyé par l’Etat pour une mission éducative. Ce n’est pas un choix, j’étais fonctionnaire.

Après je suis resté par obligation pour mon fils et je suis devenu immigré.

Les raisons du départ

Mr : Je suis arrivé en France par nomination de l’Etat de mon pays d’origine pour une mission éducative. Ce n’est pas un choix. Ma mission était l’enseignement de la langue et la culture d’origine. J’étais enseignant et envoyé par l’Etat et donc après je reçois une nomination de l’inspection académique pour répondre aux demandes des familles d’enfants qui veulent apprendre la langue arabe. Suite au nombre d’élèves inscrits je suis nommé dans trois écoles. J’ai travaillé dans trois écoles pendant pratiquement 4 ans. La première année j’ai travaillé uniquement dans les centres sociaux y compris la Maison de quartier ici. Ça c’était en 1999 et après j’ai continué pour la Maison de quartier jusqu’en 2003.

Ma femme est venue en 2000 avec les deux garçons. Nous c’est un truc totalement différent : ce n’est pas par regroupement familial, il n’y a pas de procédure. Elle me suit, c’est tout. Elle a la même carte que moi, les enfants ont la même carte que moi.

J’ai habité ce quartier directement en arrivant en France. J’ai eu le logement avec ma nomination. Mais on ne peut pas dire que c’est un travail et que c’est un logement, parce que c’est quelque chose qui est organisé. Donc ce n’est pas comme l’expérience de quelqu’un qui vient immigrer, donc il trouve un travail et qui travaille ou ne travaille pas ; il trouve un logement ou il ne trouve pas ; il s’intègre ou il ne s’intègre pas. Toutes ces questions, à cette époque, elles ne se posent pas. Ça a duré quatre ans.

De 1999 à 2003, je ne me sens pas comme celui qui vient en France pour s’installer. Je me sens comme un fonctionnaire qui vient pour remplir une mission et il y a beaucoup de choses qui ne se posent pas à cette époque. Je me sens comme quelqu’un qui vient pour passer une période et qui sait très bien qu’il vient pour une période très déterminée dés le début et qui va se terminer tel mois. C’est-à-dire quelqu’un qui vient en France, qui est payé par son pays, qui ne paie pas d’impôts, qui est un peu couvert, donc il est privilégié ; qui a un titre de séjour spécial délivré par le Ministère des affaires étrangères.

C’est-à-dire que si l’on parle de quelqu’un immigré, dans mon cas, je parle de ça à partir de l’été 2003, c’est-à-dire dans la période où j’ai fini ma mission et j’ai sollicité la préfecture pour avoir la possibilité de rester. Depuis ce temps, je réfléchis d’une autre façon.

L’installation

Mme : C’est pour notre enfant.

Mr : Je n’ai pas décidé de rester en France, c’est une obligation. J’ai mon fils qui est reconnu handicapé : il a un handicap psychomoteur et il est suivi depuis son arrivée. Depuis 2000. Il est suivi par l’hôpital et puis on a constaté que son état ne permet pas de le déplacer ; même si ça va de mieux en mieux. Même le médecin nous a conseillé de rester.  Il a constaté que son état ne permet pas d’arrêter les prises en charge médicale pour son intérêt, l’intérêt de mon fils, pour garantir ses soins parce que ses soins ne seraient pas assurés dans mon pays, ce n’est pas possible. Donc j’ai préféré mon fils.

2005, 2006, c’est la période la plus difficile pour toute la famille bien que mon dossier ait été déposé à l’avance …
2004, 2005, 2006, mon dossier a suivi plusieurs pistes et orientations. Finalement, il a été résolu par la décision du médecin qui atteste que les soins ne sont pas possibles dans mon pays d’origine, d’où la nécessité de rester. C’était la période la plus difficile parce que pendant 30 ou 36 mois je ne travaillais pas, et donc pas de revenus. C’est difficile au niveau moral. Quand vous êtes reconnu, que vous arrivez, vous avez tous les avantages et soudain tu te trouves sans travail et pas reconnu. Bon, on a pu supporter tout ça parce que on sait l’objectif qui est devant nous, c’est la santé de notre fils. C’est dur de vivre. Même avec les voisins c’est difficile, c’est pas pareil.

Ce qui est difficile c’est que nous sommes obligés d’être plus enfermés sur nous, beaucoup plus qu’avant. Avant nous rendions visite aux amis et on les recevait. Maintenant on regarde plus les dépenses, parce que ce qui est nécessaire, c’est la vie des enfants. Plus que de faire des visites ou … Quand on a des visites, nous recevons des cadeaux, on doit rendre des cadeaux, et on ne peut pas. C’est ça qui gêne un peu.

En plus, sans titre de séjour vous n’êtes pas libre, vous ne pouvez pas être actif, vous ne pouvez pas continuer votre engagement.
Par exemple en 2003, octobre 2003, il me reste une année comme membre dans le conseil d’administration de la maison de quartier, mais j’ai arrêté, je me suis retiré discrètement parce qu’être dans une association, ou membre d’une association alors que vous êtes dans une situation illégale, c’est un peu gênant.
J’y étais en 2002, 2003, 2004. J’ai été actif pendant deux ans. En 2006, c’est une autre étape de vie, on commence à penser à s’installer définitivement, car notre séjour est déjà régularisé.

Mais on a toujours des soucis parce qu’on ne se considère pas installés. Parfois on ne craint rien, parfois on a peur que nos papiers ne soient pas renouvelés.

Face à la décision du médecin ; ce n’est pas son médecin, c’est le médecin inspecteur de la DDAS qui voit que les soins ne sont pas possibles dans mon pays d’origine, ce sont des soins qui nécessitent sa présence ici. Il y a une décision qui est prise et donc il a un titre de séjour. Mais il ne faut pas que la famille reste en doute. Il faut donner la chance à la famille pour qu’elle construise son avenir ici.
Par exemple, pourquoi je serais obligé de continuer un travail dans le bâtiment alors que je sais que je peux être plus rentable, plus bénéfique dans d’autres domaines, avec toutes mes expériences, avec toutes mes formations. Mais je ne peux pas  prendre le risque car si je quitte mon travail, je serais considéré comme les gens qui se lèvent tard et le renouvellement du séjour n’est pas acquis.

Le plus gros problème, c’est que l’on reste en doute à chaque renouvellement du titre de séjour. Et c’est aussi l’avenir des autres enfants qui fait peur car si à l’arrêt des soins de celui qui est malade, ils disent que son retour au pays ne constitue plus un danger et qu’ils ne renouvellent pas les titres de séjour, ce sera un problème pour les autres enfants. Ils sont en plein cursus scolaire ; le grand a fait tout son primaire ici et va entrer en 6ème l’année prochaine. Après 9 ans de résidence, on a d’autres soucis. Les plus grands se sont habitués à la vie ici et leur scolarisation au pays, en cours de parcours, serait problématique.

De plus j’ai perdu mon travail, mon poste dans mon pays. J’ai commencé par tout perdre avant de gagner quelque chose ici. La seule chose que j’ai gagnée, c’est des soins pour guérir la maladie grave de mon fils.

Le  travail

Maintenant je travaille dans une entreprise à un poste de bas niveau, sans qualification. Même si je travaille dans une entreprise de peinture, ce n’est pas intéressant. C’est intéressant pour le revenu, mais en réalité ce n’est pas mon métier. Ce qu’il faut regarder, c’est la valeur du travail, mais le principal c’est que ce sera récompensé.

Je fais ça d’abord par nécessité de vivre. Tout d’abord il faut travailler après 3 ans. D’autre part c’est que la Préfecture exige un travail et il n’y a pas beaucoup de choix. Elle ne vous donne pas la chance de vous réorienter dans une branche qui convienne à vos attentes. Non, ça ce n’est pas possible. Il faut que tu cherches un contrat indéterminé.

Le malheur c’est que même avec un CDI, un CDI fait par l’intervention de la Maison de quartier, il a été refusé par la direction du travail en mars 2006. Elle me l’a refusé à deux reprises sous prétexte que l’entreprise ne respectait pas les lois. Finalement j’ai eu de la chance, parce que malgré le refus du contrat, la préfecture m’a donné une chance de monter un autre dossier. Et la décision du médecin inspecteur m’a ouvert la porte de s’intégrer.

Et maintenant il y a 14 ou 15 mois que je travaille d’une manière légale. Je suis en train de prouver que la décision de la Direction du travail n’est pas juste. Ce n’est pas parce que le chef d’entreprise ou le patron a la même nationalité que moi, que c’est un contrat bidon. Et ce n’est pas parce que le registre du personnel n’est pas à jour que mon contrat ne sera pas valide.

J’aimerais travailler par exemple dans les associations qui s’occupent des enfants, des ados. A mon avis, je trouve ma place dedans. Je me trouve un peu proche pour comprendre leurs … pas leurs inquiétudes, mais leurs sentiments qu’ils sont déracinés. Quand ils rentrent chez eux au pays, les gens là-bas les considèrent comme Français. Ils vivent en France, ce sont des Français, ils ont des habitudes un peu bizarres : ils ont leur façon de s’habiller, leur façon de se coiffer, et cetera. Donc ils ne s’y retrouvent pas dans leur ville, ou dans leur région. En France, la majorité ne s’y retrouve pas, parce que leur manière de vivre est différente de celle des français.    
La façon de résoudre le problème ne tient pas compte de leur condition. C’est fait avec des choses préparées d’avance, c’est-à-dire des théories qu’ils veulent appliquer sans prendre en considération les problèmes de cette famille.
Un enfant qui est venu par regroupement familial à 4 ans, l’autre qui est venu par regroupement familial à l’âge de 12 ans, ce n’est pas pareil.
Dans ce domaine je peux être utile. Bon, j’aurais besoin d’une formation avant, une petite formation en psychologie ou autre. Dans ce domaine, je peux faire, quelque chose, je peux trouver ma place.

Propos recueillis et mis en forme par Irène Serra Pires, Maison de quartier de Saint Ferjeux. 2007-08-08

Turquie

Besançon, France

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