Douta Seck est un personnage fort apprécié et respecté dans le monde du handball franc-comtois. Directeur adjoint de la Maison des Sports et de l’Insertion, il est très connu à Planoise.
Douta Seck plaide pour une ouverture des jeunes des quartiers vers les autres jeunes, les autres quartiers, et ne limite pas son activité éducative à Planoise. Il nous livre ici ses réflexions sur l’intégration des jeunes par le sport – par les sports.
Depuis 1995, je travaille à « Profession Sport », et depuis 2001 je suis directeur adjoint de la Maison des Sports et de l’Insertion, la MSI, qui se trouve à Planoise. Je suis titulaire d’un brevet d’État deuxième degré. Auparavant, j’ai d’abord été un sportif de haut niveau ; j’étais handballeur.
La Maison des Sports et de l’Insertion de Planoise
Ici, nous sommes une antenne de Profession Sport 25, dont la maison mère se trouve aux Tilleroyes ; nous travaillons à tout ce qui est éducation par le sport. Nous touchons un public jeune, de 6 à 15 ans, réparti sur trois catégories d’âges : 6-8 ans, 9-11 ans, et 12-15 ans. Les activités que nous proposons sont des activités ludiques à base de sports, pour essayer de faire passer des messages.
La MSI est ouverte à tout le monde, mais à 95 % nous avons des enfants de Planoise. Ils viennent d’ailleurs à pied. Nous avons parfois des enfants de Chemaudin, ou des parents qui téléphonent du centre-ville. Souvent, ils ne donnent pas suite parce que, tout simplement, ils sont confrontés à un problème de transport : pour ceux qui n’habitent pas Planoise, c’est une contrainte que de devoir les amener le matin, venir les rechercher l’après-midi… Nous proposons aux parents qu’ils accompagnent leur enfant jusqu’au lieu de son activité. Il est vrai que c’est plus facile de faire du foot, du basket, du hand, car le gamin se déplace en général tout seul. Pour l’escalade, cela se passe à l’extérieur, et si l’on n’est pas véhiculé, il y a des contraintes. Mais le centre est ouvert à tout le monde, tout le monde a le droit d’y venir !
Nos activités se déroulent pour l’essentiel sur Planoise, mais nous sommes partenaires avec les autres quartiers : quand ils organisent des tournois, ils nous invitent, et nous aussi nous ouvrons nos structures. Il nous arrive de déplacer un groupe, aux 408 ou à Clairs-Soleils par exemple. Il y a des tournois entre quartiers. Nous sommes en lien avec le collège Diderot, avec tous les acteurs du quartier. Il nous arrive de mettre à disposition nos salles pour les collégiens de Diderot.
Souvent, le problème que nous rencontrons est que nous recevons les jeunes sur un temps minimum, comme les vacances scolaires. Nous effectuons un travail sur une dizaine de jours, pendant les vacances de Pâques par exemple, mais après, durant tout mai et juin, nous ne les voyons pas, et nous ne recommençons que début juillet et jusqu’en août.
Le problème est peut-être d’évaluer ce travail-là. C’est pourquoi nous sommes en partenariat avec les familles, avec les associations et les établissements scolaires. Ce sont les trois pôles d’intégration : école, famille et associations comme la nôtre. Ces partenariats permettent qu’il y ait une continuité par rapport aux pratiques. Il est vrai aussi qu’à partir de 15-16 ans, nous ne voyons plus les jeunes. À partir de la là, ce sont d’autres projets qui les intéressent, et pas ce que nous proposons. Ils sont adolescents, et ils sont plus tournés vers les grandes sorties…
Au niveau des partenariats, nous proposons des manifestations comme Tremplin Foot, tous les mercredis, ou des sorties à Sochaux pour que les jeunes voient des matchs de foot et visitent le centre de formation. Nous avons aussi une offre variée au niveau des sports. Nous avons ainsi encadré des groupes pour des sessions de tir à la carabine laser, tir à l’arc, canoë, VTT, course d’orientation en VTT, athlétisme, et bien sûr les sports collectifs (football, handball et basket). Chaque jour, il y a donc des activités sportives variées avec un but éducatif derrière.
L’intégration par le sport
Les rapports entre les communautés ne se passent pas trop mal. À la MSI, nous n’établissons pas de distinctions entre les nationalités, nous en avons de nombreuses, mais nous faisons un mix en fonction des catégories d’âge, pas en fonction des nationalités. Tout le monde se côtoie dans une bonne ambiance, et c’est le but du centre : fédérer autour de notre objectif sur le projet pédagogique, qui est de socialiser les gens à travers des attitudes sportives.
Quand on est dans une équipe, je ne pense pas qu’on réfléchisse en disant « Lui il est blanc, noir ou beur », on joue dans la même équipe, on porte le même maillot, on partage les mêmes efforts, les mêmes difficultés, la même solidarité.
Je pense que l’intégration est plus facile par le sport. Vous savez, quand on voit un ballon et que tout le monde joue, la communication se développe tout de suite. Même si on ne parle pas le même langage, on arrive à communiquer par des gestes, même pour ceux qui ne comprennent pas trop le français. C’est le but de notre action.
On ne peut sans doute pas dire que tel sport facilite plus l’intégration que tel autre. On vante toujours les pratiques sportives des sports collectifs, mais il se passe aussi des choses dans les sports collectifs que nous ne cautionnons pas. D’un autre côté, on peut avoir un sport individuel qui facilite l’intégration. Je prends l’exemple de l’escalade, pour travailler sur la notion de confiance : pour grimper, il faut avoir confiance dans la personne qui vous assure. Donc, individuellement, on monte, mais si l’on n’a pas confiance dans la personne qui assure, on ne grimpera pas. Par cette notion de confiance, on peut donc dire que l’escalade est un sport intégrateur, alors qu’à la base, c’est un sport individuel. La boxe est un sport individuel, mais pour canaliser son énergie destructive, je pense que c’est quelque chose de très très important. Que les gamins sachent que la boxe n’est pas faite pour détruire, mais celui qui est devant moi représente un miroir parce que chaque geste que je fais, il me le renvoie. Il y a des effets négatifs, mais davantage de choses positives. Cela permet déjà de canaliser son énergie.
Une pédagogie raisonnée
Profession Sport est une grande maison, et nous avons des personnes diplômées pour toutes les disciplines que j’ai citées, c’est-à-dire qui ont cette connaissance, cette compétence pédagogique : ils sont diplômés de Jeunesse et Sports, ils ont des brevets d’État pour encadrer ces activités-là… Ainsi, quand je fais de l’escalade, je n’ai qu’à amener le groupe à la Malcombe et il y a un technicien de Profession Sport qui nous attend sur place, qui est diplômé, donc qui gère l’activité. Quand nous faisons du VTT, c’est pareil.
Ici, nous ne cherchons pas la performance. Si un gamin a les capacités, nous disons aux parents qu’il a des aptitudes, et que s’ils peuvent et veulent l’inscrire à un club, nous le leur conseillons car cela peut être bénéfique pour lui.
Souvent, au départ, les jeunes ne veulent pas faire les sports qu’ils ne connaissent pas, mais une fois qu’ils les pratiquent et qu’ils en découvrent les règles, cela leur plaît, et parfois tellement qu’on arrive même plus à faire une activité foot ! Ils veulent faire du base-ball, de la carabine laser, du VTT, et pour nous c’est très positif.
C’est un combat permanent de l’éducateur de montrer que l’on n’est pas là simplement pour gagner. Moi je préfère que le gamin perde en comprenant les règles, en les intégrant, parce que je fais toujours le parallèle entre les règles sportives et celles de la vie en société : sans compréhension et sans respect des règles, tu ne peux pas participer à un sport, et c’est pareil dans la société. Si vous ne respectez pas les autres, vous ne pouvez pas vivre. Si vous n’avez pas le permis, vous n’avez pas le droit de conduire. Je fais toujours ce parallèle pour transposer la notion de sécurité à la vie en société.
C’est pourquoi l’on voit souvent dans les tournois une récompense pour le fair-play ; on peut donner le trophée à l’équipe qui a été la plus fair-play, et pas à l’équipe qui a gagné tous ses matchs, pour qu’ils comprennent que nous n’avons pas pour but de dire « Vous êtes les meilleurs, vous avez tout gagné ! » Et d’ailleurs, quand on avait organisé le Raid Quart à Besançon avec les différents quartiers, avec la Ville de Besançon, la Police nationale et les chauffeurs de CTB, des sportifs de haut niveau s’étaient inscrits ; ils gagnaient tout sur le plan sportif, mais comme il y avait des questionnaires culturels à côté, ils ne comprenaient pas pourquoi à la fin de la journée ils n’étaient pas premiers. Nous disions : « Si vous êtes pros en sport et que vous ne savez pas répondre à des questionnaires culturels sur Besançon, celui qui est moyen en sport et qui a de grosses notes là, passe devant vous. » J’ai vu des karatékas de haut niveau venir faire ce raid, alors que, pour nous, ce but était de rassembler des policiers, des chauffeurs de bus, les gamins de quartiers, pour que derrière il n’y ait plus ces agressions dans les bus.
De beaux succès
À la MSI, nous travaillons en moyenne avec 140 enfants différents, qui ne viennent pas tous en même temps, et nous sommes une quinzaine d’éducateurs. Nous avons en moyenne 70-80 enfants par jour, et nous avons ainsi toujours un animateur en sureffectif, ce qui nous permet aussi de diviser les groupes et de mieux faire passer nos messages. Certains des enfants que nous avons eus sont devenus éducateurs ici. À 15 ou 16 ans, ils sont revenus nous voir, nous leur avons financé une formation BAFA, ils ont travaillé sans salaire en contrepartie de la prise en charge de leur formation, et ils travaillent maintenant ici. Un beau succès !
Contacts :
La Maison des Sports et de l’Insertion est située à Planoise, 6 rue de Bruxelles, 25000 Besançon
Tél. : 03 81 52 40 72 / 06 76 87 09 14
Site internet : http://www.professionsport.org/
Propos recueillis par Philippe Godard, avec la collaboration de Yacine Bennour. Film de P.B. Tristan.
Sénégal
Besançon, France