Guadeloupéenne et Vietnamienne

« Je suis métisse… Ma mère avait trahi sa patrie. » Madame Lang témoigne de son enfance extrêmement difficile au Vietnam, jusqu’à son installation en Franche-Comté.

Vous êtes en France depuis longtemps ?
Je suis arrivée en France le 2 août 1985 en provenance du Vietnam.

Parlez moi un peu de votre enfance au Vietnam.

Mon enfance a été malheureuse. Ma mère était très malade, elle avait des problèmes avec le foie. En 1958, nous sommes retournés dans le village natal de ma mère et nous y sommes restés jusqu’en 1961. Ensuite, nous sommes revenus à Saigon car la guerre a commencé à arriver jusque dans notre village, et nous avions des problèmes car je suis métisse. C’était une preuve que ma mère avait trahi sa patrie ! À Saigon, ma mère est restée au lit pendant trois ans de 1961 à la fin de 1963. J’ai dû me débrouiller toute seule pour survivre. Tous les matins, je faisais les commissions pour les voisins et les voisines. Ceux-ci me donnaient 0,50 à 1 dông chaque fois. Vers midi, j’achetais un plat de riz aux œufs caramélisés ou du riz au tofu au caramel à 1 dông. Je gardais le reste pour acheter des remèdes pour ma mère (5 dông pour les médicaments). L’après-midi j’allais à l’école et le soir je tricotais des bords de gilet pour gagner un peu plus d’argent. Je subissais souvent des insultes, des mépris ou des humiliations des autres. En plus, il y avait des problèmes entre les autres enfants et moi. J’avais toujours tort parce que j’étais métisse et que je n’avais pas de père dans ma famille. On dit que « les métisses sont mauvaises et sans père pour les éduquer ». Malgré toutes ces brimades j’ai toujours fait attention à tout ce que je faisais et je n’ai jamais voulu faire de la peine à ma mère !!!

Après cette enfance malheureuse, quel a été votre travail ?
Je suis devenue enseignante dans une école primaire et un collège par alternance. Le matin j’étais professeur de collège et l’après-midi institutrice dans le primaire.

Vous êtes partie comment ?
C’est par avion que j’ai quitté ma patrie avec mon mari et mes trois enfants le 1er août 1985 depuis Saigon par l’aéroport de Tân Son Nhât (Hô-Chi-Minh-Ville) pour Paris où j’ai débarqué à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle

Combien de temps êtes vous restée à Paris ?
Nous sommes restés trois semaines au centre de transit de Créteil, puis on nous a envoyés à Besançon, où nous avons été hébergés au CPH du Forum le 22 août 1985 pour six mois.

Vos impressions sur la France ?
Nous sommes heureux depuis le premier jour où nous avons pris pied sur le sol français, car nous étions libres malgré quelques souvenirs douloureux et inoubliables à Créteil suite à des différences de culture et de traditions. La transition était brusque. La France était un autre monde.

Qu’avez-vous fait par la suite ?

J’ai suivi une formation au centre de formation de Beurre en 1986 et 1987 puis une autre pour être auxiliaire de vie à la maison de familles à Besançon en 2003 et 2004.

Et actuellement ?
Maintenant je travaille comme employée polyvalente dans une maison de retraite. Je suis contente de mon travail, mais parfois je me sens déclassée car il y a quelques collègues qui me crient et me disent des mots qui me choquent ou me font mal au cœur ! Mais pour nous qui sommes des réfugiés et avons demandé l’asile, c’est la vie, il faut l’accepter et je l’accepte.

Êtes-vous française ou encore réfugiée ?
Naturellement je suis française depuis plusieurs années ainsi que toute ma famille. Je me sens française même si parfois j’ai un peu la nostalgie de mon pays natal.

Témoignage de madame Lang, propos recueillis par Claude Gilles

Vietnam

Besançon, France

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