Le Nigeria et la France, deux drapeaux, ensemble !

M. Okorocha est né en 1975 à Lagos, au Nigeria. Il appartient au peuple Igbo, l’un de ceux qui constitue la population de ce pays (avec, notamment, les Haoussas et les Yorubas).




« Je suis resté au Nigeria jusqu’au bac, puis j’ai quitté mon pays pour venir ici et pouvoir poursuivre mes études. Je parle anglais ; je n’avais qu’à peine débuté le français au Nigeria. J’ai donc d’abord commencé à apprendre le français, puis j’ai continué mes études à la fac.
Je n’ai pas rencontré de problèmes pour obtenir mon visa, et mes parents finançaient mes études. Il n’y avait donc pas de difficulté particulière.
Le Nigeria est un pays qui produit du pétrole, et les gens qui sont riches ont les moyens de payer les études. Dans ce pays, il y a des très riches et des très pauvres…
J’ai continué alors dans la voie du commerce. Je suis dans un projet pour vacances adaptées pour les handicapés.
Je pense que Besançon, ça me plaît. Je suis allé aux États-Unis, et je suis allé à Paris aussi… Et j’ai vu que la ville, ici, c’était plutôt calme par rapport à Paris, à New York… Je pense qu’au niveau de l’argent, il vaudrait mieux aller là-bas, mais si on recherche la tranquillité, c’est mieux à Besançon.
Je pense que je suis plutôt français maintenant qu’anglophone, parce que j’ai vécu pas mal de ma vie à Besançon, donc je me considère maintenant comme Bisontin. Plutôt Bisontin que New-Yorkais !
Ce serait un peu compliqué pour retourner à Lagos. C’était ma ville, mais la vie là-bas a changé. Ce n’est plus la ville que j’ai laissée quand je l’ai quittée. Maintenant, au niveau de la vie là-bas, il faudrait que je me réadapte pour pouvoir rester à Lagos, parce que la vie comme elle est maintenant, je ne la connais plus. Je connais mieux Besançon comme elle est maintenant, bien davantage que Lagos.
Pourtant, je suis retourné à Lagos. Par exemple, ça change au niveau des voies, ici, à Besançon, au niveau de la rue… On change le sens, et c’est comme à Lagos, il y a des choses qui changent. Mais si je retourne là-bas, je ne connais plus rien du tout ! (rires) Il faut que je réapprenne !

Les relations sociales ici à Besançon, c’est un petit peu compliqué, parce que pour rencontrer les gens, c’est possible au travail, dans les discothèques… Mais dans la rue, comme ça, ce n’est pas facile pour rencontrer les gens, parce qu’ils ont un petit peu peur. Les étrangers , ils ne connaissent pas. Et l’image qu’ils voient à la télé, ça les effraie. Ils voient quelqu’un qui est un Black ou qui est un Arabe, eh bien, ils ont déjà peur : « Ils peuvent me voler quelque chose. » Si vous rencontrez des personnes au travail ou dans une discothèque, elles vous disent : « Vous, ça va, mais les autres que je ne connais pas, je n’ai pas confiance… »

Quand j’étais étudiant, ce n’était pas difficile pour les papiers, et il y avait l’argent qui arrivait du pays. Ici, si vous êtes en règle avec tous les documents avant d’arriver, vous n’aurez pas de soucis de papiers à faire, c’est votre droit. Je suis Français et Nigérian. Cette double nationalité , c’est un symbole de l’amour que je porte pour ces deux pays.

Quand j’ai commencé à devenir un homme, il a fallu que je me débrouille tout seul. Pour chercher du travail, ce n’était pas le top. Parce qu’il y a des patrons qui ne veulent pas embaucher les étrangers parce qu’ils disent que dans le commerce, ils vont faire fuir les clients…
Nous, les étrangers, ici en France, on est un pied là-bas et un pied ici. C’est comme si on avait deux pays ! Ça m’arrive quelquefois, si je ne suis pas en France et si on parle mal de la France, quelque part, je commence à défendre la France. Et si on parle mal de mon pays, je défends mon pays. Et j’ai les deux drapeaux ensemble, tout le temps. J’aime bien ça, être avec les deux pays ! »

Propos recueillis par Philippe Godard. Réalisé le lundi 10 novembre 2008 à Besançon

Lagos, Nigeria

Besançon, France

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