Les difficultés d’un jeune du Grand Besançon – Eniss, 19 ans

Je suis issu d’une famille modeste, habitant dans un village du Grand Besançon. Les problèmes d’argent, ça arrive très souvent chez moi.


Ça joue un peu sur le mental. Mon père est rectifieur dans une usine, et ma mère est au foyer car elle a eu un grave accident au niveau de la jambe il y a cinq ans, et elle ne peut pas travailler. J’ai cinq sœurs et un frère.

Mes cinq sœurs sont mariées, et je suis le dernier. Mes parents, comme on était sept, ont dû faire attention. J’avais pas de goûter à l’école par exemple. Mes parents étaient tellement occupés qu’ils ne m’achetaient rien. On n’achète toujours pas grand-chose, mais je ne trouve pas qu’on vit mal.

Je suis en terminale Commerce. La vente, c’est quelque chose que j’ai choisi parce que j’aime bien parler avec les gens. Et puis c’est vraiment ce qui me plaisait le plus. Vendeur dans les jeux vidéos.
J’hésite entre soit chercher un travail pour gagner un peu d’argent et être lancé définitivement dans le monde du travail, soit continuer sur un BTS. Mais j’ai peur que ce soit trop long, deux ans. J’ai peur de m’ennuyer. Mais si je veux vraiment le faire, mes parents me laisseront faire un BTS.

J’ai peur que, par rapport à l’embauche, ils fassent de la discrimination par rapport à mon origine. Je l’ai beaucoup ressentie à l’école, et quand j’étais petit, je l’ai plus que ressentie. J’en ai vraiment souffert. Parce que j’habitais à la campagne. C’était « Sale Arabe ! »

C’était un petit village, l’usine n’était pas très loin de la maison. J’étais tout seul d’origine maghrébine. Mes sœurs ont souffert aussi. L’une de mes sœurs en a beaucoup souffert, même les profs lui tiraient les cheveux. Moi je disais à mes parents que je voulais pas aller dans cette école de fachos…
Au collège, je l’ai ressentie encore, mais beaucoup moins, et puis je m’en foutais au bout d’un moment. Dès qu’il y avait un autre Arabe, ils disaient « tiens, un Arabe… » Mais là, dans un lycée professionnel, ça va mieux.
Ça a commencé à être plus facile au collège, quand j’ai commencé à prendre en taille, à devenir plus fort. Je fais de la musculation encore maintenant : pour m’imposer face aux autres. Ça dérange les gens, mais c’est obligé que je fasse quelque chose qui impose aux autres pour qu’on ne me manque pas de respect.
On se dit « Mais c’est quoi cette vie ? C’est un truc de ouf ! C’est quoi qui me différencie de toi ? »

Dans le monde du travail, pour moi, c’est un gros souci parce que je pense qu’il y en a encore beaucoup, de discriminations. Que ça joue beaucoup, que ça joue énormément. Mais il faut montrer comme quoi on a des capacités. Qu’est-ce qu’on vaut. Mais je dois faire mes preuves. Le fait que même encore maintenant on ne voit pas trop si je suis Arabe ou Hispanique, ça peut jouer un petit peu.
Mon frère trouve facilement du travail. Il a des diplômes. C’est important. Il a un BTS. Mais comme on habite à la campagne, ça joue aussi, car du coup on ne vient pas d’un « quartier ». Et en plus la mentalité a changé autour de nous, ils ont vu qui on était dans le village, et nous sommes mieux intégrés…
Je pense que si j’ai des enfants, je leur donnerai des prénoms qui passent bien, pas comme Mohamed ou des trucs comme ça, trop arabes. Moi, par exemple, ça va. Ça le fait ! Et puis d’être à la campagne, ça passe deux fois mieux que ceux des « quartiers » !

Témoignage d’Eniss. Un élève d’un lycée professionnel exprime le racisme qu’il a rencontré au cours de sa scolarité.

Besançon, Doubs, France

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