J’étais de nationalité laotienne, d’ethnie hmong (« Hmong » veut dire « homme libre ») avant d’arriver en France et d’obtenir la nationalité française. Je suis venu et j’ai été accepté comme réfugié politique.
Mon véritable nom était Ly Van Tcheng (j’ai pris le prénom d’Hervé lors de ma naturalisation en 1975). J’habitais dans un petit village du Laos de famille paysanne qui cultivait le riz (culture sur brûlis), car nous vivions dans la montagne à environ 1000 m.
Mes parents avaient sept enfants et j’appartiens au clan Ly. Les Hmong vivent en clans et c’est important car nous sommes assujettis à des coutumes près précises. Le clan s’étend très largement et dépasse la famille, au sens étroit des Français. Il ne faut pas oublier que le Laos (un peu plus de 6 millions d’habitants) comprend une soixantaine d’ethnies différentes, dont l’ethnie majoritaire sont les Lao. Nos liens familiaux sont très forts et soumis à des coutumes très contraignantes à l’intérieur du clan.
Dans mon enfance, je suis allé à l’école du village avec un professeur Lao, à partir de cinq ans. Puis, vers douze ans, mes parents m’ont envoyé dans un collège dans la ville voisine de Sayaboury pour terminer mes études vers dix-huit ans.
Par la suite, j’ai fait mon service militaire pendant trois ans dans l’armée laotienne. Revenu dans le village, j’ai été désigné, malgré mon opposition, pour être le chef du village jusqu’à trente ans parce que j’avais des études. Nous habitions dans une maison en paille et vivions de la culture : riz, maïs, que nous vendions à la ville voisine.
Nos coutumes sont très différentes de celles des Lao. Eux sont bouddhistes, nous chamanistes. Nous n’avions pas d’écriture, mais notre culture est de tradition orale. L’écriture écrite date de 1953, suite au travail de deux missionnaires l’un français, le père Bertrais, l’autre un pasteur évangélique, M. Burney.- écriture RPA.
Nous sommes partis par peur du nouveau régime qui a mis nos anciens en prison. Tout cela fait partie des suites de la guerre d’Indochine
C’est tout le village qui est parti ensemble à pied à travers la forêt jusqu’en Thaïlande pendant dix jours de marche et de peur.
Arrivés en Thaïlande on nous a enfermés dans un camp celui de Nan Sop Tuang. Sous la responsabilité du UNHCR, dépendant de l’ONU. Je suis resté dans ce camp pendant un an. La vie était pénible et nous ne faisions rien. J’ai fait la demande auprès de l’ambassade de France afin de partir vers ce pays, pour fuir la peur et vivre enfin mieux avec ma famille. Pourquoi la France ? Parce qu’à l’école secondaire j’avais appris un peu la langue française et que des Hmong nous avaient précédés dans ce pays. Nous recevions des nouvelles par cassettes audio et non par lettres.
Nous sommes enfin partis en bus pour un camp de transit dans le sud, à Phanat Nikhom pour trois semaines et de nouveau un bus nous a conduits à l’aéroport de Bangkok où nous avons pris l’avion pour la France
L’arrivée en France à l’aéroport Charles-de-Gaulle fut un choc. Il faisait froid nous étions en avril. Tout était tellement différent de chez nous. Après une semaine passée dans un foyer de transit, j’ai été envoyé au CPH de Limoges pour six mois, pour apprendre le français et faire les démarches administratives pour obtenir le statut de réfugié politique. Au bout de six mois, le directeur m’a trouvé du travail dans une usine de kaolin afin de fabriquer la porcelaine de Limoges et ceci pendant sept ans.
Au bout de ces sept années, j’ai décidé de rejoindre les membres de ma famille, de mon clan à Besançon. À peine arrivé, grâce à mon petit-neveu, j’ai eu du travail dans une usine où je suis encore. Je me suis bien adapté et je respecte les coutumes de ce pays qui a bien voulu m’accueillir, ainsi que la ville dans les quartiers des Clairs-Soleils puis de Planoise. Je signale qu’il n’y a aucun chômeur parmi les Hmong. Nous avons tous du travail par relations familiales.
J’envisage de construire une maison…
Témoignage de M. Hervé Ly.
Laos
Besançon, France