Mon joyeux exil à Besançon

Une étudiante algérienne exprime son bonheur d’avoir pu étudier à Besançon. C’est l’occasion pour elle de parler de sa ville d’origine, Saïda.


Ville de pierres grises et imposantes, de ruelles joliment sinueuses, de charmantes rues pavées, de verdure à perte de vue, Besançon est la ville qui m’a accueillie à mon arrivée en France en octobre 2007. C’est à l’âge de 23 ans que je suis venue ici poursuivre mes études après l’obtention de mon diplôme d’Ingénieur en Algérie, dans ma ville de cœur et d’adoption : Sidi Bel Abbès.

Je suis donc Algérienne, fille de Saïda (qui signifie « heureuse » en arabe), petite ville que les coloniaux ont surnommée la Petite Suisse, et que la Géographie désigne comme la portière du désert.
Ma ville, autrefois baptisée « heureuse » par l’émir Abdelkader, chantée par les poètes populaires pour son décor champêtre et ses sources d’eau, est loin d’être la Petite Suisse d’antan. Aujourd’hui, enlaidie par l’apathie économique et la désertification, c’est une ville aride et gâteuse que j’ai quittée en cette journée automnale du mois d’octobre. Mais c’est le cœur lourd et serré que je m’en séparais. Déjà dans la salle d’attente de l’aéroport d’Oran où la plupart des voyageurs sont des émigrés francophones, je pleurais du mal du pays et du mal de ma langue natale.

Mais « quelles que soient les larmes qu’on pleure, on finit toujours par se moucher ». De fait, je me suis vite mouchée, lorsque dans la nuit, je suis arrivée dans la ville natale de Victor Hugo. C’est dans cette mosaïque florale, cette orgie de verdure et d’arbres titanesques, que moi, fille de la portière du désert, coutumière des vents de sable et des étés caniculaires, j’ai débarqué en cette nuit d’octobre, impressionnée comme Julien Sorel, émerveillée comme Alice aux pays des merveilles, voluptueusement égarée comme un indien dans la ville. J’ai alors pensé que Besançon est une ville romanesque comme on en voit dans les vieux livres pour enfants, puis j’ai rectifié ma pensée en admettant qu’elle était encore plus belle que cela.
Mon euphorie visuelle ne s’est pas amoindrie lorsque j’ai découvert le cadre idyllique dans lequel j’allais vivre, à savoir le Campus. J’avais quitté mon pays en rêvant d’espaces verts et de bois généreux. Les fées qui doivent peupler le bois du Campus ont comblé mon rêve : ici, je me délecte et m’enivre de verdure.    
Il n’y a pas que des fées et des sylphes au Campus, il y a aussi un ange gardien : un charmant Belfortain au vin gai et au cœur doré, le premier minois que j’ai rencontré en venant en France, le plus cher que j’emporterai en partant. Une gentillesse à toute épreuve, une générosité sans mesure, sans escompte et sans orgueil, ça paraît aussi mythique que le Trésor de Priam et pourtant ça existe : J’ai trouvé un trésor à Besançon, Il se prénomme Bruno, il est réel et je le remercie d’exister.
Au Campus, il y a aussi du sang jeune, bouillonnant et rieur. La vie ici est imprévisible, les soirées imprédictibles, les rencontres inattendues. Ainsi, je peux passer chez un ami pour dix minutes, histoire de faire un petit coucou ou de boire une petite bière. Chez cet ami, passera peut-être quelqu’un d’autre pour faire un petit coucou et boire une petite bière. Et parfois, ça donne des réunions de gens de toutes sortes, qui ne se connaissent ni d’Adam ni d’Ève et qui passent pour faire un petit coucou ou boire une petite bière. Et c’est parti pour une gaieté nocturne, cordiale et énergique à l’image de la jeunesse du XXIe siècle ou plutôt la jeunesse de tout temps.

Et quand la jeunesse était studieuse, Anatole France lui permettait d’avoir ses gaietés. En effet, on ne fait pas que la fête au Campus, on étudie aussi. On étudie même beaucoup. C’est encore dans un tableau vert que j’ai la chance d’étudier puisque c’est à la faculté des sciences que je prépare mon master en éco-conception. Mes camarades de promo sont la plupart originaires d’ailleurs que Besançon. Ils se disent tous aussi charmés que moi par le cadre vert dans lequel nous avons le plaisir d’étudier et par la ville à l’architecture atypique et la physionomie historique. Mes enseignants sont des gens respectables, pas seulement parce qu’ils inspirent le respect mais aussi parce qu’ils en témoignent aux étudiants. Alors qu’en Algérie, j’étais habituée à une hiérarchie qui plaçait l’enseignant loin au-dessus de l’étudiant jusqu’à le rendre redouté et inaccessible, ici mes enseignants restent supérieurs grâce à leur savoir et leur expérience mais n’en sont pas moins humains, proches de nous puisqu’ils s’enquièrent de nos difficultés et s’y intéressent. Cela nous valorise à nos propres yeux et nous pousse à être à la hauteur de leur considération. Cet investissement personnel tout en restant professionnel me touche sensiblement.
D’ailleurs, l’amabilité des gens ici me touche au quotidien, qu’il s’agisse des chauffeurs de bus, des employés de la SNCF, des fonctionnaires dans les administrations, des vendeurs, des gens dans la rue ou de mon coiffeur, il y a chez les Bisontins une attitude de bienveillance courtoise qui adoucit mon pseudo-exil. Voilà pourquoi chaque soir avant de dormir, je pense à bénir la Providence pour mon joyeux exil à Besançon.

Propos de Nazia.

Saïda, Algérie

Besançon, France

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