Si tu travailles, demi-tour au Maroc

Madame Z. arrive à Besançon en 1974 pour rejoindre son mari qui travaillait en France depuis 1957. Entretien avec M. et Mme Z et leur fille :


Et votre épouse, elle est venue quand en France ?
Mr : En 1974, le 17 août 1974.

Fille : Ma mère est venue en regroupement familial avec mon grand frère qui était déjà né. Il est né au Maroc en 1972. Tout le reste on est né là.
En fait il a eu un premier mariage. Sa femme est décédée et il a eu deux enfants avec elle. Et en 1974, quand ma mère est venue avec mon frère, elle a ramenée les deux aînés avec mon frère et ma sœur. Les trois en fait.
Et puis nous on est six derrière, c’est une grande famille.

Mr : Cinq filles et trois garçons. J’en ai perdu un, il en reste trois.

Et vous, vous êtes née en France ?
Fille : Oui, en 1979.
Nos mères, quand elles sont arrivées, elles se sentaient seules. Quand elle est arrivée, les mois qui suivaient elles étaient deux, trois, elles s’entraidaient entre elles. Même si elles se connaissaient pas, elles savaient qu’elles étaient dans la même situation : elles avaient quitté leur famille, leur pays, ce qu’elles avaient de plus cher là-bas ; pour venir dans un pays étranger, elles ne parlaient pas la langue. Le fait qu’elles se retrouvent entre elles, elles se sont entraidées. Hein maman, c’est ça ? T’étais soulagée surtout ?
En fait ma mère est une des premières à être venue. C’est surtout les autres, quand elles sont arrivées, elles voyaient ma mère et les premières installées ; elles étaient contentes. Enfin, quelque part, elles se sentaient moins perdues.

Vous madame, quand vous êtes arrivée, vous aviez l’impression d’être perdue ?
Mme : Pour moi c’est pareil. Rester à la maison, faire à manger, rester avec mes enfants …

Mr : Ma femme, la première fois que je l’ai amenée ici, que je l’ai amenée du Maroc en 1974, elle était très contente. Le jour où je l’ai amenée elle est restée un an. Elle m’a demandé : « Est-ce qu’il y a moyen que je travaille avec vous ? »
– « Que tu travailles avec moi ?  Où ? à Zenith ? »
– « Oui ».
– « Si tu travailles, demi tour au Maroc ».
Moi, je ne veux pas que ma femme travaille ici. Je l’ai ramenée, elle reste là dans la maison.
– « Tu restes là, dans la maison à t’occuper des gosses. Je n’ai pas besoin que tu travailles pour nous. C’est moi qui t’ai ramenée, c’est moi qui travaille. S’il y a besoin de quelque chose, il faut me le dire à moi. C’est moi qui me démerde, c’est pas vous. C’est moi qui suis responsable. »

Fille : Dis lui maman, tu veux ci, tu veux ça (rire). Elle veut une Ferrari elle a dit.

Mr : Et bien oui : si elle veut travailler, demi tour au Maroc. Si tu travailles, demi tour au Maroc. Je ne veux pas qu’elle travaille ici.

Extrait des propos recueillis par Irène Serra Pires, Maison de quartier de Saint Ferjeux

Maroc

Besançon, France

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