1952, création de l’AATEM, Henri Huot

Demander à la municipalité de se préoccuper de leur sort n’était pas populaire : les conditions de vie lamentables de ces immigrés ne dérangeaient pas grand monde…


Henri Huot : un humaniste sans frontière

Henri Huot, originaire de la Haute-Marne arrive à Besançon en 1942 : son épouse est institutrice à Beure, lui est nommé au Lycée Victor Hugo en 7ème (actuel collège du Centre où existaient encore des classes primaires). Il entre très vite dans la résistance à l’occupation nazie. Dès la fin de la guerre, d’origine très modeste, il s’intéresse aux questions sociales. En 1952, il est contacté par Jean Carbonare qui lui décrit la situation des travailleurs algériens dans notre ville. Il l’aide, notamment pour créer un comité d’accueil aux travailleurs migrants dont il devient un membre actif.

Une aide sociale à tous les sans abris d’où qu’ils viennent, même d’Algérie

En 1953, Jean Minjoz redevient Maire de Besançon, grâce au soutien des radicaux conduits par un partisan de Mendès France, Maître Kohler. Ce jeune avocat assurera plus tard la défense de militants français…et suisses traduits en justice parce qu’ils étaient accusés de complicité avec le F.L.N.
Dans le cadre de la campagne des élections municipales de 1953, Henri Huot, jeune professeur au lycée Victor Hugo, jette un pavé dans la mare en publiant un article retentissant  « la misère des Nord-Africains »

Cette prise de position est extrêmement courageuse. Les campagnes électorales donnent lieu parfois à des prises de position démagogiques. Or, Henri Huot n’hésitait pas à aller à contre-courant. Il ne s’agissait pas de tenter de récupérer des voix : quoique français, les Algériens n’étaient pas électeurs. Au contraire, un engagement en leur faveur pouvait provoquer des réactions négatives : il n’existait pas un racisme agressif mais la plus grande partie de la population se moquait du sort de ceux que l’on appelait les “Mohammed”, “les Sidis”.
Demander à la municipalité de se préoccuper de leur sort n’était pas populaire : les conditions de vie lamentables de ces immigrés ne dérangeaient pas grand monde…

Henri Huot invoque les initiatives d’un homme dont il ne cite pas le nom et qui s’est engagé dans l’action pour soulager une grande misère. C’est de Jean Carbonare – dont nous parlerons plus loin – qu’il s’agit.

Le “Fourneau économique” qui a servi des repas aux Nord-Africains en détresse est une vieille institution, tenue depuis 1801 par les Sœurs de la Charité pour donner à manger aux personnes sans ressources.

Elu socialiste au conseil municipal, Henri Huot se spécialisera très vite dans les questions sociales, devenant le bras droit de Jean Minjoz dans ce domaine. Les engagements pris dans le cadre de la campagne électorale seront respectés avec une action concertée entre la municipalité, l’Association d’Accueil des Travailleurs Etrangers et Migrants (AATEM), animée par toute une équipe de bénévoles parmi lesquels on compte notamment Jean Carbonare, l’abbé Chays (voir dossiers plus loin) et un haut fonctionnaire de la Préfecture, Maurice Landau, une femme énergique, Madame Netter.

La priorité sera accordée à la création d’un foyer pour loger les travailleurs célibataires (avenue Clémenceau : 240 places avec des chambres de 4 lits).

Les choses n’allaient pas de soi : des Algériens ne voulaient pas quitter leurs abris de fortune parce qu’il fallait désormais payer un loyer fût-il modique. Dans une note, Henri Huot écrit : « Il fallut faire évacuer les casemates, aussitôt murées, et transporter  d’autorité les occupants d’une baraque qui fut brûlée par les pompiers, les rats fuyant de toutes parts devant  le feu ».

Il fallut ensuite s’occuper des familles : construction aux Founottes de pavillons de bois pour remplacer le bidonville existant, des tours “Amitié” à Saint-Ferjeux. Mais Henri Huot ne se contentait pas de mettre de la pommade sur des plaies, sans mettre en cause les raisons d’une situation inadmissible. Il militait aussi pour faire reconnaître les droits et la dignité des Nord-Africains.

Pendant la guerre d’Algérie, il s’opposa, au sein du Parti socialiste, à la politique du gouvernement de Guy Mollet et demanda l’ouverture de négociations avec les nationalistes.

Il appuya, en 1956, l’envoi en mission dans les Aurès de son ami Carbonare pour établir un dialogue avec les responsables de l’insurrection (voir plus loin).

L’adjoint aux affaires sociales était sensible à tous les problèmes. Ainsi, il ne prit pas de vacances pendant l’été 1962 pour s’occuper de l’accueil des Pieds-Noirs hébergés d’urgence, à la hâte, dans des locaux sommairement aménagés (par exemple à l’école d’Helvétie) avant que des crédits ne soient dégagés pour des constructions en dur.

Henri Huot intervint aussi pour procurer des logements aux harkis et à leurs familles (opération des Montarmots).

Toutes ces actions allaient de pair avec un souci permanent des contacts humains. Pendant des années, le matin du 1er janvier, la municipalité, maire en tête, allait souhaiter la bonne année aux résidents du foyer de l’avenue Clémenceau.

Ainsi étaient tenus les deux bouts de la chaîne : initiatives concrètes pour mettre fin à des situations inhumaines, gestes symboliques pour reconnaître la place dans la cité d’une population marginalisée.


L’aide sociale à tous quel que soit l’âge

Henri Huot est interpellé en 1959 par le Président de la section bisontine de la Mutuelle nationale des étudiants de France sur la situation précaire de certains jeunes ménages étudiants, souvent boursiers. En effet, la cité universitaire de Canot, la seule qui existe à cette époque, ne loge que des garçons ; les jeunes étudiantes logent au “foyer” rue du Chapître. Aucune mixité n’est tolérée. Déjà les chambres sont chères en ville et les ménages étudiants n’ont pas de recours.

Henri Huot permet en 1960 à la mutuelle étudiante de meubler 20 logements neufs dans la “cité des 408” à la Grette. Gérés longtemps par cet organisme étudiant, ils le sont maintenant par le CROUS.

Notons que des étudiants algériens, mariés à des Françaises en ont bénéficiés.

La création du Minimum social garanti (M.S.G) s’adresse dès 1968 aux personnes âgées avec peu de ressources. Henri Huot était frappé par le nombre considérable de “retraités” qui avaient travaillé avant 1946, date de la création des retraites, et qui par conséquent se trouvaient hors du système. Ils avaient parfois cotisé quelques années en fin de carrière, mais leurs retraites étaient faibles. Eux et plus encore les veuves vivaient dans la misère.

Henri Huot propose au conseil municipal de créer une allocation pour compléter les revenus de ces personnes afin qu’ils atteignent 65 % de ce qui était alors l’équivalent du SMIC.
Plus tard, lorsque les retraités aux rabais auront fortement diminué, le MSG s’appliquera à d’autres personnes, comme “les filles mères” (terme de l’époque) puis, après le début de la crise économique, aux chômeurs de longue durée.

C’est, en fait, l’ancêtre du R.M.I. D’ailleurs, Michel Rocard s’en inspirera en 1989 en consultant Marguerite Vieille Marchiset qui avait pris la succession d’Henri Huot à la délégation des affaires sociales.

Extrait de « les Nord-Africains à Besançon », éd Ville de Besançon juin 2007

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