Au 19ème siècle, le nombre des Italiens à Besançon ne cesse de croître. En 1872, un consulat d’Italie est créé.
A la fin du siècle, des tensions se font jour entre ouvriers italiens et français.
Développement économique et prémices de l’immigration de masse
A partir de la moitié du XIXe siècle, Besançon connaît un certain développement économique et l’immigration de masse commence. Les Helvètes sont à l’époque majoritaires mais la colonie italienne s’accroît rapidement. En étudiant les chiffres du recensement de 1846, Roger Marlin dans l’Histoire de Besançon coordonnée par Claude Fohlen souligne ainsi la présence d’Italiens à Besançon aux côtés d’Allemands et d’une forte colonie suisse, surtout neuchâteloise. Il ajoute que les relations avec les autochtones ne sont ni très hostiles ni très cordiales. Lors de la construction du canal souterrain d’alimentation en eau reliant les sources d’Arcier à Besançon, aux environs de 1850, il évoque une « batailleuse main d’œuvre piémontaise ». Nathalie Filali-Sadki compte, d’après les chiffres du recensement, environ 300 Savoyards et 96 Italiens en 1851. Ils sont 335 dans l’ensemble du département du Doubs. La communauté italienne est alors, comme pour le reste de la France, une communauté mouvante, nomade, ouvrière, essentiellement masculine et jeune. Dès lors, le nombre des Italiens à Besançon ne fit que croître. Ils proviennent principalement du nord-ouest de l’Italie, du Piémont, de Lombardie et à un degré moindre de Ligurie. Bon nombre de ces migrants sont originaires de villages se trouvant dans les montagnes au nord de ces régions, surtout dans les zones proches du Tessin. Il est donc probable que ces travailleurs immigrent en empruntant des itinéraires connus depuis longtemps. Parallèlement, les Italiens marchands, colporteurs, artistes caractéristiques des migrations d’Ancien Régime continuent de s’installer à Besançon. Gaston Coindre dans Mon vieux Besançon décrit ainsi des personnages hauts en couleurs : le traiteur Gaétan Migon (chez qui Balzac dîne en 1833), Roncaglio l’organiste de la paroisse de Saint-Pierre puis de celle de Saint-Jean (1780-1864), le statutaire mouleur Jean-Baptiste Franceschi (1795-1881) et ses deux fils sculpteurs assez connus.
Une ville cosmopolite
A la veille de la guerre de 1870, Besançon est une ville qui commence à devenir cosmopolite et les ouvriers italiens côtoient des horlogers suisses, des photographes et des garçons de café austro-allemands, voire des étudiants russes et même des religieuses du Proche-Orient. En 1872, un Consulat d’Italie est créé, deux ans avant le Consulat Suisse, ce qui prouve bien l’importance prise par l’immigration italienne. En 1876, il y a 166 Italiens à Besançon qui travaillent principalement dans le bâtiment et les travaux publics. En 1888, le gouvernement oblige les étrangers à effectuer des déclarations de résidence. Bien qu’il y ait des imprécisions quant au nombre réel de personnes d’un même noyau familial effectivement présentes (en effet il est difficile de déterminer si l’épouse et les enfants vivent à Besançon ou sont restés en Italie), Nathalie Filali-Sadki estime que plus de 200 personnes constituent cette communauté. Les Italiens sont éparpillés dans toute la ville mais le quartier de la Madeleine et le quartier de Battant – notamment les rues du Petit Charmont, du Grand Charmont et Richebourg – accueillent la plus forte concentration.
Tensions entre ouvriers
Dans la dernière décennie du XIXe siècle, comme dans d’autres endroits de France, des incidents entre ouvriers français et ouvriers italiens éclatent. Ainsi, en mars 1890, des échauffourées ont lieu entre travailleurs français et italiens lors de la construction d’une usine de papeterie aux Prés-de-Vaux. Le journal Le Petit Comtois nous informe que, dès le jour suivant, les Italiens ne sont plus embauchés, à la plus grande joie des travailleurs français.
Perte d’attractivité pour Besançon
Toutefois, à la fin du XIXe siècle, Besançon perd de son attrait. Le docteur Léon Baudin, l’un des rares Bisontins à s’intéresser à l’époque à l’immigration, estime en 1889 que les travailleurs étrangers préfèrent s’installer à Pontarlier, à Morteau et surtout dans le Pays de Montbéliard et, par extension, dans le Territoire de Belfort, beaucoup plus industrialisés que Besançon. Cette observation se confirme au recensement de 1896 : la communauté italienne est en légère baisse mais reste supérieure à 200 unités. Pour l’ensemble du département, les Transalpins sont 1663.
Une situation compliquée par la guerre
Dans le Doubs, à l’orée de la Première Guerre Mondiale, en 1911, les Italiens forment un groupe assez important mais les Helvètes restent largement majoritaires : il y a 2467 Italiens et 7843 Suisses. A partir de 1914, la situation des étrangers devient plus précaire. Toutefois, les Italiens n’en souffrent pas autant que les Alsaciens – qui sont considérés à l’époque comme ennemis car de nationalité allemande – et les autres citoyens des pays opposés à la France qui sont souvent expulsés ou internés dans des camps.