La « Grande Émigration » des Polonais (1830)

Depuis fort longtemps, la France est une terre d’accueil pour ceux qui ont fui leur pays en raison des menaces qui pesaient sur eux et leur famille,


en raison de leur appartenance à une ethnie, de leur religion ou de leurs convictions politiques.

C’est le cas de douze Polonais réfugiés dans les années 1850 à Besançon.

La constitution du 24 juin 1793  énonçait dans son article 120 que « le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il la refuse aux tyrans ».
Une loi du 21 avril 1832 fixera un cadre juridique à l’accueil des réfugiés.
Pour le Doubs, les Archives départementales conservent des documents très intéressants relatifs à un groupe de polonais réfugiés à Besançon dans les années 1850.

La Monarchie de Juillet connaît la « Grande Émigration » des Polonais , qui fait suite à l’insurrection de Varsovie en 1830 . Paris devient alors la seconde capitale des Polonais. Un bon accueil officiel leur est réservé, mais à condition qu’ils appartiennent à l’aristocratie et à l’intelligentsia. Avec l’arrivée au pouvoir de Louis-Napoléon Bonaparte, les Polonais, anciens alliés vaincus de Napoléon Ier, bénéficient d’un regain de faveur .
Des subsides leur sont accordés. A Besançon, un contrôle nominatif est effectué tous les ans. Les Archives départementales du Doubs disposent des états nominatifs des années 1850 à 1858 .
Le premier état donne un aperçu de la situation de douze réfugiés polonais au 31 décembre 1850 :
– le plus jeune est âgé de 30 ans, six ont entre 40 et 50 ans, quatre entre 50 et 70 ans et le douzième a 70 ans ;
– onze sont d’anciens militaires (4 soldats, 3 sous-officiers et 4 officiers) et le douzième est géomètre ;
– 4 au moins sont mariés et ont des enfants ;
– La moitié d’entre eux n’est pas en état de travailler ou ne trouve pas à s’employer.
Lorsque le revenu mensuel d’un réfugié atteint 50 francs, son subside lui est retiré. L’état du 31 décembre 1858 indique que quatre d’entre eux les perçoivent toujours. Vraisemblablement, deux sont décédés.

L’analyse de ces états nominatifs nous permet de nous faire une idée de l’évolution de la situation de ces réfugiés. Prenons trois exemples :
– Victor Lubanski, né en 1780, est un ancien officier de cavalerie de Napoléon Ier. En 1850, « il n’a point d’occupation à cause de ses blessures et n’a pas amélioré sa position depuis l’année dernière. Il a besoin de subsides ». En 1856, il continue à percevoir un subside de 45 francs car « l’âge et les infirmités ne lui permettent pas de se livrer au travail ».
– Adam Suchowiez, né en 1805, est géomètre. En 1850, il « travaille fort peu. Le subside est pour lui son unique ressource. Souvent malade et ne travaille que par intervalle et fort rarement. C’est à dire son travail peut être considéré comme nul. L’ouvrage lui manque totalement, il ne peut même pas payer son loyer ». En 1858, il continue de percevoir un subside de 25 francs. Sa santé « le met dans l’impossibilité absolue de se livrer à aucune espèce de travail. Presque constamment atteint d’aliénation mentale non dangereuse. N’a d’autre moyen d’existence que son subside. Célibataire. »
– Adolphe Robach, né en 1797, est un ancien officier. En 1850, il donne « des leçons de langue allemande à l’école primaire supérieure au traitement de 500 f ; très souvent malade ; il a donné quelques leçons en ville ; aujourd’hui il n’en a plus ». En 1858, on le retrouve marié avec trois enfants, mais toujours maladif.
La majorité d’entre eux est en mauvaise santé : affections physiques, dépression, voire aliénation mentale. Nous ne pouvons dire si leur état de santé est la conséquence de leur vie antérieure ou celle de leur condition de réfugiés. En tout cas, l’exil apparaît douloureux et accablant pour la majorité d’entre eux.

Extrait du livre « Etrangers de chez nous  » d’Alain Gagnieux.

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