Présence étrangère dans les entreprises de Besançon : un instantané du 4 mars 1913

Fin 1912, le ministre de l’Intérieur demande aux préfets de lui établir un rapport sur les entreprises installées en France qui appartiennent à des étrangers ou/et qui emploient des étrangers.


Pour les dirigeants de ces entreprises, il s’agit voir quels types de relations ils entretiennent avec leur pays d’origine ; pour le personnel, on veut savoir

si l’emploi de cette main-d’œuvre étrangère paraît susceptible de donner lieu à quelque préoccupation au point de vue des intérêts de la Défense nationale, soit par l’état d’esprit, les allures, les tendances, la manière d’être de l’élément étranger, soit par la nature de l’entreprise, soit par le voisinage de cette dernière avec quelque point stratégique, soit pour toute autre cause. (Arch. dép. du Doubs)

Or, le rapport établi par la Préfecture du Doubs en date du 4 mars 1913 est particulièrement instructif dans la mesure où il nous offre comme un tableau instantané de la présence étrangère dans les entreprises du département. Il nous a donc semblé intéressant de transcrire ce document dans son intégralité, hormis les quelques lignes d’introduction.

[…]  Arrondissement de Besançon
A Besançon même, les entreprises (…) ne relèvent d’aucun établissement situé à l’étranger, et n’y ont pas de succursales.
Seule la maison Schneider (automobiles), a des représentants pour la vente des automobiles, à Bruxelles et à Londres.
Les relations de ces entreprises avec l’étranger sont strictement commerciales. Toutes ces entreprises présentent, au point de vue du personnel, tant dirigeant qu’ouvrier, les garanties désirables et ne paraissent pas devoir donner lieu à préoccupation au point de vue des intérêts de la défense nationale.
Le recrutement des ouvriers a lieu sur place, à l’aide d’insertions dans les journaux ou par les bureaux de placement ouvriers.
Il convient de remarquer d’ailleurs le petit nombre d’ouvriers étrangers occupés. Seule l’industrie horlogère emploie un certain nombre de suisses, en raison du voisinage de la Suisse, où cette branche d’industrie est importante. Mais ces ouvriers sont stables, et la plupart résident à Besançon depuis plusieurs années. Leur attitude n’a jamais donné lieu à critique.
Il n’existe à Besançon aucun groupement, aucune agence, ni œuvre étrangère quelconque. (Ajouté en marge : « Je crois devoir signaler toutefois que la Fédération Internationale des ouvriers horlogers de la Chaux de Fonds, a une section à Besançon. Cette section : Syndicat des ouvriers horlogers de Besançon, a été créée le 23 mars 1905. Elle a déposé ses statuts à la Mairie de Besançon, le 20 avril 1905, conformément aux prescriptions de la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels. Le nombre de ses adhérents en 1912 était de 325 hommes et 62 femmes. [Rayé :] Le président est M. Berthet, et le vice-président, M. Bérard. »)
Dans l’arrondissement de Besançon, les diverses industries sont gérées par des Français, et, à de rares exceptions, les ouvriers sont aussi français.
Je dois signaler plus particulièrement l’usine de blanchiement de coton de Montferrand. Cette usine (objet de mon rapport du 3 février dernier), a un Conseil d’administration composé de Français, dont le Président est M. Jouvanceau, ancien président de la Chambre de Commerce. Le personnel et les ouvriers (50 environ) sont également français. Mais elle a comme fondateurs des Allemands. Ce sont les trois frères Martin, de Mulheim sur Ruhr (Allemagne), qui sont encore, à l’heure actuelle, les maîtres de la situation. Car ils détiennent, d’après les renseignements de M. le Commissaire spécial de Besançon, les deux tiers des capitaux. Pour des raisons d’intérêts, les frères Martin ne font plus partie du conseil d’administration de cette société ; mais l’un d’eux vient, 3 ou 4 fois par an, pour la vérification des comptes.
Cette usine marche bien. Elle fournit à la Guerre. Pendant les mois de juillet, août, septembre, octobre et novembre 1912, elle a livré 200 tonnes de coton destinées à la Guerre à la Maison Chaudron et Cie de Remiremont.

On trouve dans le dossier coté M 3085 les notices auxquelles il est fait allusion dans ce rapport, ainsi que d’autres documents, dont l’exploitation permet d’obtenir un tableau plus précis de la présence étrangère dans les entreprises des arrondissements de Besançon et de Montbéliard. On y retrouve notamment les salariés étrangers dénombrés par entreprise et par nationalité. Une synthèse figure en annexe. Bien qu’incomplète, elle montre que, d’une part, les salariés étrangers sont proportionnellement plus nombreux dans l’arrondissement de Montbéliard (17,6% du total des salariés) que dans celui de Besançon (6,3%). D’autre part, dans l’arrondissement de Montbéliard, les Italiens et les Allemands prédominent (136 sur 177) et travaillent en majorité dans l’entreprise de construction Schrott et Killy. Dans l’arrondissement de Besançon, les Suisses sont majoritaires (94 sur 126), et travaillent pour la plupart dans l’horlogerie. Notons au passage que la fabrique d’horlogerie Lipmann (future entreprise Lip) emploie 55 salariés suisses sur un total de 150.

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