Asile, 2008

Ils sont arrivés de Bosnie, parce qu’ils étaient en danger de mort. Lui 23 ans, elle 22 ans avec un bébé de 18 mois et l’avenir n’était pas pour eux.



En eux, un désir fou de survivre, l’espoir en la France. Sans argent, sans connaissance de la langue. Quelques rudiments dont le mot : « Asile »
« On m’a dit bonjour, j’ai répondu : « Asile! » et il lève les bras comme s’il se rendait.

Ils découvrent les dédales de l’administration. Les recours. Les rejets. L’injonction à quitter le territoire. L’espoir déçu. L’espoir revenu. Les retours à la case départ. Les fonctionnaires qui se contredisent, ne savent pas, répondent incorrectement et parfois avec incorrection, se permettant des commentaires outrepassant leur fonction. Certains n’ont que le mot « non! » à la bouche et l’indifférence dans les yeux. Les voient-ils seulement? Un deuxième enfant est né à Besançon et il n’a pas le droit aux allocations. Ils essayent de comprendre; se battent, s’accrochent.

En même temps, ils sont reconnaissants. Quand à leur arrivée, ils étaient dans le dénuement et la détresse, ils ont mangé, bu, dormi. Les Français ne leur ont pas dit : « Dehors! » Le miracle résonne encore en eux malgré la complexité de leur présent.

En Bosnie, en proie à la violence, ils ont frôlé mille fois la mort. Leur maison a été détruite. Ils n’y ont plus rien. Aujourd’hui, la Bosnie ne protège pas ses enfants.
« On a aidé la Bosnie mais l’argent est allé dans les poches des corrompus. Et les pauvres n’ont droit à rien sauf à leurs yeux pour pleurer » raconte-t-il.

« La chance, c’est le travail. Je ne suis pas là pour prendre le RMI mais pour vivre, c’est tout. Je n’avais plus rien, j’ai juste cherché une solution pour rester en vie.
Je n’ai pas de diplôme mais je suis costaud. Dès que j’ai eu l’autorisation de travailler, j’ai cherché dans les chantiers. Je fais de la menuiserie, j’ai appris tout seul. On voit que je suis un bon bosseur. Le bâtiment, c’est lourd, difficile… Il fait chaud, il fait froid, la façade, le crépi, c’est dur. Beaucoup de Français ne veulent plus faire ce travail…

Pour le moment, il travaille six jours sur sept, à Dijon. Chaque jour, il fait le déplacement.
Mais il doit repasser le permis car son permis bosniaque n’est pas valable en France.
« Je conduis depuis neuf ans et maintenant on me dit de tout refaire »
Avec l’argent qu’il gagne, il meuble le salon de l’appartement HLM où il habite avec sa petite famille, achète une belle télé. L’assistante sociale est étonnée. « J’ai travaillé, j’ai gagné, j’ai acheté » dit-il posément et dignement.

Son épouse a voulu faire des ménages. A l’ANPE, on lui a demandé de faire un stage pour apprendre à faire le ménage. Vu qu’elle est sans diplôme, il n’est pas sûr qu’elle puisse reconnaître les produits! Elle n’y est plus retournée. Les quelques heures de ménage qu’elle accomplit, elle les a cherchées toute seule.

Leur petite fille a six ans. Elle est en C.P, elle chantonne en français, joue, pose des petites fleurs sur ses cheveux blonds, apparemment heureuse comme tous les enfants qui se savent aimés et en sécurité.

Les parents disent : « Les enfants nous ont sauvés »

Il a appris le français de guichet en guichet, son vocabulaire s’enrichissant au fur et à mesure de ses situations juridiques. Ce qui l’étonne, ce sont les affirmations qui se différencient d’une personne à une autre. Il déclare qu’il est très rare qu’un fonctionnaire prenne le temps de lui expliquer et de répondre à ses questions. Mais il prend la difficulté comme une donnée de l’existence. «Il n’y a pas de vie sans problème. La vie, c’est bouger, apprendre. Tout est normal ici. En Bosnie, les choses ne sont pas normales. »

Ils acceptent d’affronter tous les obstacles possibles et imaginables, inhérents à leur présence en France. France où ils veulent organiser leur vie, en travaillant, en donnant leur part, quelle que soit la dureté de ce travail.
Tout est possible après ce qu’ils ont vu de l’horreur humaine en Bosnie. Leur désir de vivre est immense. Sur ce plan-là, ils sont une leçon.

Il raconte : « nous habitions au centre d’accueil, rue Gambetta, avec ma femme et le bébé. Au centre-ville, j’ai rencontré une Française. Nous avons parlé. Elle m’a posé des questions et au bout d’un moment, elle savait l’essentiel de notre état. Cette femme qui ne nous connaissait absolument pas m’a proposé alors de nous laisser sa maison pendant quinze jours car elle allait s’absenter de France. Quand j’ai su que sa maison était loin de Besançon, je lui ai dit que nous ne pouvions pas. Elle a sorti les clés de la voiture et me les a remises.
Son épouse continue : « Quand il m’a montré les clés, je lui ai dit « ce n’est pas vrai! » et il m’a répondu « Si, c’est vrai! » Notre petite fille qui ne marchait pas encore – l’espace que nous occupions au centre d’accueil était très étroit- a fait ses premiers pas dans le jardin de N. Elle y a même couru!

Témoignage recueilli et écrit par S. AMMAR KHODJA Besançon, octobre 2008

Bosnia, Bosnie-Herzégovine

Besançon, France

Votre navigateur est dépassé !

Mettez à jour votre navigateur pour voir ce site internet correctement. Mettre à jour mon navigateur

×