Entretien avec Jean-Louis Tournut, principal du collège Diderot (Besançon, Planoise)

En 2009, on compte 253 Réseaux Ambition Réussite (RAR) en France. Ils font presque tous partie des Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP) définies par l’Éducation nationale.


Le RAR auquel appartient le collège Diderot, à Besançon, est le plus important de la région Franche-Comté, et regroupe un collège, quatre écoles primaires et huit écoles maternelles. Il se situe dans une zone urbaine excentrée de Besançon, Planoise, composée de grands ensembles. Pour l’année scolaire 2008-2009, les 780 élèves du collège Diderot sont issus de 42 nationalités différentes, si l’on prend en compte le pays de naissance.

L’équation ZEP (ou RAR) égale présence importante d’enfants issus de l’immigration résulte d’une mauvaise information – ou d’une volonté de discrimination. En effet, dès la création des ZEP, à la rentrée de septembre 1981, sous le gouvernement socialiste en place depuis le mois de mai précédent, le ministre demanda en urgence aux responsables académiques de signaler les zones où la présence d’ « enfants étrangers ou non francophones » était importante. Mais ce critère, pour décider ou non de la création d’une ZEP – et donc des aides supplémentaires que fournirait l’État – n’était qu’un critère parmi d’autres. Les autres critères étaient l’implantation géographique, la composition socio-économique des familles et la faiblesse des résultats scolaires. Très vite cependant, dans l’esprit du public, l’assimilation s’est faite entre ZEP et présence d’une forte proportion d’immigrés et d’étrangers . On voit, dans l’entretien qui suit, que l’on peut avancer d’autres explications aux difficultés scolaires des élèves de RAR.



Pourquoi toutes les ZEP ne sont-elles pas devenues des RAR puisque les objectifs sont dans les deux cas d’aider un public en difficulté ?
Je serais tenté de remonter à l’historique des ZEP. Les ZEP sont nées en 1981. La logique était de donner plus à ceux qui avaient moins : aider les publics défavorisés à aller vers la réussite scolaire – et l’insertion sociale, bien sûr. Les ZEP n’étaient pas très nombreuses au début, et puis petit à petit on s’est aperçu que la réussite en ZEP n’était pas totalement celle qu’on escomptait. Il y a eu des plans de relance des ZEP, le premier en 1990, autour d’une logique de projet sur trois ans. Puis une autre en 1998, qui créa les REP (Réseaux d’Éducation Prioritaire), c’est-à-dire non plus un collège d’un côté et des écoles de l’autre, mais une logique de réseau avec des écoles amenant les élèves vers ce collège. Et puis la troisième relance, en 2006, a créé les Réseaux Ambition Réussite, et a distingué trois types de Zones d’Éducation Prioritaire, qui sont devenues des EP1, EP2 et EP3 (Éducation Prioritaire 1, 2 et 3), en fonction bien sûr des publics qui étaient accueillis. Les zones où il y avait le plus de besoins (EP1), à partir de certains critères, sont devenues les RAR ; les EP2 ont des critères sociaux moins stricts correspondant à des familles moins défavorisées ; les EP3 concernent un public encore moins défavorisé, avec l’objectif de sortir sous trois ans de l’Éducation Prioritaire.
C’est donc en fonction du public que l’on a créé les RAR à partir d’un certain nombre de critères : le pourcentage de population défavorisée (66 %), les résultats des évaluations d’entrée en sixième (20 points au dessous de la moyenne nationale) et la part des élèves ayant un retard supérieur à deux ans à l’entrée au collège. Ce sont les critères de base, puis chaque académie a plus ou moins ajusté. L’académie de Besançon n’a que trois RAR, tandis que dans d’autres académies, on a un taux plus important d’établissements RAR.



À quel public s’adressent les RAR ?
Ces publics sont socialement défavorisés. C’est l’essentiel. Forcément, ces catégories socioprofessionnelles (CSP) défavorisées font que l’environnement familial est complexe, voire pour certains dissolu. Il n’y a pas de référent, et surtout le regard sur l’école n’est pas positif. Lorsque l’on parle des CSP à l’Éducation nationale, c’est surtout en termes de regard porté sur l’école. Vous prenez un artiste qui est intermittent du spectacle, il se trouvera peut-être chômeur pendant une partie de l’année, mais il n’aura pas pour autant un regard négatif sur l’école, parce qu’il a bénéficié d’un cursus favorable. C’est le rapport à l’école que nous envisageons.
S’ajoutent la faiblesse des résultats aux épreuves d’évaluation de début de sixième et les retards des élèves qui sont généralement la conséquence des redoublements. Il y a aussi les populations d’origine étrangère : les élèves nouvellement arrivés en France, qui ont un retard dans les apprentissages fondamentaux, notamment le français, à leur arrivée. Ils se trouvent placés dans un cursus différent par rapport à l’apprentissage de la langue, avec les classes d’intégration à l’école (CLIN) et des classes d’accueil (CLA) au collège.
À Besançon, deux établissements ont des CLA, le collège Diderot et le collège Camus, et un certain nombre d’écoles ont des CLIN comme Champagne dans le RAR.
J’ajoute que les RAR sont bien dans la logique du deuxième plan de relance, une logique de réseaux. Ici, le RAR, c’est le collège, les quatre écoles élémentaires et les huit écoles maternelles. Par rapport à Planoise, c’est donc tout Planoise qui est couvert, sauf le secteur de l’école Fourier et quelques écoles maternelles à côté.



Vos élèves passent donc, dans le « réseau », des maternelles au primaire puis au collège ?
C’est cela pour 85 à 90 % d’entre eux. Il y a d’abord les nombreux mouvements de population – les déménagements – et quelques-uns qui essaient de demander une dérogation ou qui partent vers des établissements privés. La problématique de Diderot, surtout quand on ne le connaît pas, est qu’on associe l’établissement, à l’image que certains en donnent à l’extérieur, en quelque sorte à une certaine image du quartier. Les gens qui viennent ici voient la réalité. Une anecdote, un père de famille me disait un jour : « Je croyais qu’il y avait des seringues partout ! Mais non, ce collège, il est propre. » C’est un problème d’image. Ce n’est pas toujours facile de donner la vraie image à l’extérieur. : il y a des jeunes collégiens qui, pour être « en conformité » donnent d’eux ou de leur collège, de leur quartier, l’image qu’en attend l’« extérieur ». Des problèmes de conduites déviantes, on en rencontre partout, dans tous les lycées quelle que soit leur implantation, pas seulement dans les « quartiers ».



Vos élèves ont-ils de l’« ambition » ?
L’ambition des élèves est l’ambition que nous devons donner aux élèves ! Depuis la loi Chevènement, en 1985, qui avait fixé à 80 % d’une tranche d’âge amenée au niveau du baccalauréat, chiffre ramené ensuite par René Monory à 76 % quelques années plus tard, on n’a jamais fait mieux. On n’arrive pas à faire monter ces résultats. On est donc à la recherche des moyens pour améliorer le niveau d’ensemble. Vous entendrez encore des professeurs vous dire « Oui, mais avant on avait des classes de transition, des CPPN et CPA ! » Il s’agissait de classes d’enseignement pratique ou préprofessionnel qui accueillaient les élèves les plus en difficulté. Ces élèves trouvaient une solution ailleurs. À l’issue de ces classes, sur le marché du travail, ils ne trouvaient pas forcément un emploi et le nombre d’emplois à ce niveau de qualification est en diminution. Donc, si l’on veut que les jeunes trouvent du travail, il faut qu’ils aient un niveau de qualification supérieur. Et pour qu’ils aient un niveau de qualification supérieur, il ne faut pas les « enfermer » dans ce type de structures. C’est pour cela qu’on les a supprimées.
Pourquoi a-t-on modifié aussi les cycles du collège ? Parce qu’il restait cette orientation de fin de cinquième qui posait problème. L’idée aujourd’hui et depuis un certain nombre d’années est que tous les élèves arrivent au minimum avec un niveau fin de troisième, pour essayer de d’aller plus loin vers le haut.
Après, à quoi faut-il encore s’attaquer ? Les Zones d’Éducation Prioritaire, ont connu un premier plan de relance, puis un deuxième, et aujourd’hui un troisième. Donnons à ces jeunes-là de l’ambition ! On essaie, par un certain nombre d’actions qui s’ajoutent à cela, de leur donner cette ambition. Par exemple les pôles d’excellence qui ont été créés au moment du deuxième plan de relance, repris dans les RAR, font en sorte que chaque établissement RAR soit parrainé par un sportif de haut niveau, ou un laboratoire d’université, etc. Il s’agit de faire en sorte que ces jeunes-là aussi sentent qu’ils peuvent aller vers des études longues et ambitieuses. Il y a une nouvelle opération montée par Mme Pécresse, au niveau du ministère, qui s’appelle « Les cordées de la réussite ». Leur but est de faire en sorte que les élèves des « zones défavorisées » puissent accéder à l’enseignement supérieur, scientifique et technologique, aux écoles d’ingénieurs.
Essayons de faire en sorte que nos élèves aient de l’ambition, qu’il y ait davantage d’élèves boursiers dans les classes préparatoires. S’il y a davantage d’élèves boursiers, cela veut dire qu’il y a davantage d’élèves d’origine défavorisée.



Et la « réussite » ?
Il faut que nous arrivions à la réussite de nos élèves, bien sûr. Le RAR, c’est un contrat. À partir du moment où l’on est rentré en RAR, nous avons un contrat avec le Recteur, un contrat de réussite avec des objectifs à cinq ans. Si nous avons des moyens supplémentaires, c’est pour atteindre ces objectifs. Pour notre RAR, parmi ces objectifs on trouve : arriver à zéro redoublement, avoir des résultats au niveau du diplôme national du brevet qui soient ceux de la moyenne académique, faire acquérir les connaissances et compétences du socle commun au plus grand nombre, voire à tous, développer l’ambition scolaire pour tous, articuler le projet éducatif du Réseau avec les actions hors temps scolaire, parce que là aussi, on travaille avec nos partenaires.
Dire zéro redoublement, c’est facile bien sûr, mais ce qui compte est tout l’accompagnement que l’on propose à côté.
Nous avons un tableau de bord pour savoir où nous allons. L’Académie nous fournit un certain nombre d’indicateurs et nous le complétons avec notre propre diagnostic. Notre tableau de bord nous aide à discerner ce sur quoi nous devons travailler.
Ici, le premier domaine sur lequel nous devons faire porter nos efforts, c’est la maîtrise de la langue. Pourquoi ? Il suffit de prendre l’évaluation en français à l’entrée en sixième. Nous ne sommes pas à 20 points en dessous de la moyenne nationale, mais tout de même à plus de 10 points. La performance en mathématiques est nettement meilleure, quelques pourcents de décalage seulement. C’est donc en français que les difficultés sont les plus marquées, au niveau de l’écrit davantage que de l’oral. Des élèves me disent en conseil de classe: « On nous fait trop écrire ! » Mais oui, bien sûr, il faut écrire !



Quels sont les moyens au niveau du RAR ?
Chaque RAR dispose d’un certain nombre de moyens mis en place au niveau national : mille enseignants expérimentés supplémentaires, répartis sur les 249 RAR au départ, 253 aujourd’hui, et 3600 assistants pédagogiques. Si on divise par 250, on a donc 4 professeurs supplémentaires et 12 assistants pédagogiques par réseau. C’est la norme. En Franche-Comté, la répartition est un peu différente, parce qu’il y a trois réseaux, Béthoncourt, collège Brossolette à Montbéliard, et collège Diderot. En effectifs des collèges – mais les effectifs des écoles sont proportionnels – Diderot, c’est 780 élèves, et les deux autres sont entre 200 et 300 élèves, avec une zone plus défavorisée, celle de Béthoncourt. Donc, le choix qui a été fait a été de répartir les moyens en tenant compte du nombre d’élèves. Ainsi nous avons 5 professeurs référents supplémentaires et 18 assistants pédagogiques. Ces personnels supplémentaires font une part d’enseignement, et une part de mission supplémentaire. Une personne qui est sur la liaison école-collège et qui enseigne dans le premier degré, une personne qui est en charge du suivi des assistants pédagogiques, et qui enseigne du français, une autre qui enseigne du français et qui est sur la mission partenariat-pôle d’excellence, etc., et une personne qui enseigne les mathématiques et qui est sur les programmes personnalisés de réussite éducative, que l’on a mis en place depuis quelques années et qui montent en puissance, à l’école comme au collège, et qui fait aussi le lien avec l’association de quartier d’aide aux devoirs, et enfin, une personne qui n’est pas enseignante, qui était CPE, conseiller principal d’éducation, et qui s’occupe désormais de tout le volet éducatif.
Les 18 assistants pédagogiques sont répartis pour moitié au collège et dans les écoles. Au niveau des écoles, le choix qui a été fait est de les faire travailler sur les CM1 et CM2. Au niveau du collège, ils ont des actions plus particulières en sixième et cinquième, où ils travaillent avec tous les élèves. Ils aident les élèves. Nous avons mis en place ici des études accompagnées pour les élèves de sixième. On a deux heures d’aide à l’élève et accompagnement au travail personnel avec un enseignant – donc là c’est un enseignant plus un assistant pédagogique qui sont sur deux jours différents, un en début de semaine et l’autre en fin de semaine –, et il y a deux heures en plus d’étude accompagnée avec deux assistants pédagogiques, qui sont les deux autres jours de la semaine, si bien que les élèves de sixième ont toujours une aide à l’étude par jour. En cinquième, nous n’avons que deux heures d’étude accompagnée, une en début de semaine, l’autre en fin de semaine. Ensuite, les assistants pédagogiques répondent à la demande des élèves qui se trouvent en étude pour de l’aide particulière. Troisième chose : ils accompagnent les enseignants, dans de la co-intervention, une forme d’action que nous voulons développer, lorsqu’il y a des notions d’apprentissage qui sont plus délicates. Ils participent aussi à l’accompagnement éducatif le soir. Ces 18 assistants sont tous à mi-temps, et les 5 enseignants à temps plein.
Les moyens affectés au collège pour fonctionner comprennent la dotation globale horaire, qui est revue chaque année en fonction du nombre d’élèves, et les moyens donnés pour les cinq ans au RAR. Le collège est donc traité comme les autres collèges de l’académie et du département pour la dotation globale horaire, sur la base de l’enseignement prioritaire, mais il a en plus les moyens supplémentaires que je viens de citer du fait du RAR. Pour la dotation annuelle, nous travaillons à partir d’une prévision d’effectifs. Nous avons, dès décembre, les prévisions d’effectifs pour la rentrée suivante.



Ne craignez-vous pas que de plus en plus de familles fuient les collèges de RAR pour aller vers les collèges privés ou les collèges des centres-villes ?
En ce qui concerne les collèges privés, certains le font déjà depuis longtemps puisque c’est indépendant de la carte scolaire, c’est leur choix. Que certains élèves veuillent aller vers les établissements du centre-ville, il y a des demandes, ce n’est pas nouveau. Je n’ai pas eu le sentiment que, suite à la suppression de la carte scolaire, nous ayons enregistré plus de demandes de dérogation. J’ai même eu, et ça fait toujours plaisir, des demandes pour venir à Diderot. Cela signifie qu’il y a des familles extérieures qui ne sont pas « fermées » par rapport au collège Diderot !



Lorsque l’on veut expliquer l’échec scolaire, on a deux types de théorie : ce sont des jeunes qui sont issus des couches les plus modestes de la société, ou alors qui viennent de familles immigrées. Qu’en pensez-vous ?
On a des jeunes qui viennent de l’immigration et qui réussissent parfaitement. Prenons plus spécifiquement ce thème, l’origine, mais pas le pays d’origine. Plus tôt, avant d’arriver en France, dans la société d’origine, quel regard avait-on vis-à-vis de l’école ? Si on allait très peu à l’école là-bas, si l’école ne paraissait pas importante, si on n’avait pas vraiment besoin de l’école pour s’insérer plus tard, alors ce n’est pas facile en arrivant ici ; découvrir qu’ici l’école est indispensable pour pouvoir travailler plus tard. Comment faire accepter que notre école apporte non seulement des connaissances indispensables mais aussi qu’elle contribue à la formation du citoyen en lui donnant des règles de vie, en lui inculquant un certain nombre de valeurs qui permettront au jeune de trouver une place, d’occuper une position respectable et respectée tant au niveau professionnel que social. Ce passé n’est pas toujours facilitateur pour la réussite. Deuxième élément : la famille essaie-t-elle de réussir son intégration ? Nous y travaillons pour l’instant : un des facteurs d’intégration est la pratique de notre langue, la pratique de notre langue à la maison. C’est aussi un facteur supplémentaire pour contribuer à la réussite.
Et puis il y a aussi les populations qui nous arrivent et qui ont été marquées par des passés douloureux : pays en guerre, par exemple. Dans les têtes, il y a encore plein de choses qui résonnent du passé, et les jeunes ne sont pas encore prêts à travailler leur intégration. Ce sont autant de facteurs à prendre en compte par rapport à la réussite des gens de l’immigration.
Les conditions sociales : je dirais qu’il y a les blessures liées aux familles décomposées, recomposées. Pour un certain nombre d’enfants, si ça arrive pendant la période du collège, c’est difficile. S’il n’y a pas un suivi extérieur, dans le domaine du psychologique, parfois cela joue énormément sur la réussite scolaire.
Ce que l’on appelle la pauvreté, oui, cela peut être aussi l’un des facteurs. Quand l’enfant ne trouve pas à la maison quelqu’un qui lui dit de faire ses devoirs, un espace où il puisse faire ses devoirs, éventuellement même pas un coin de la table de la cuisine, c’est vrai que ça n’aide pas. Ces enfants-là, quand ils viennent à l’accompagnement éducatif le soir, quand ils vont dans une association d’aide aux devoirs, ils font leurs devoirs. Quelqu’un les accompagne, les aide à faire leur travail, quelqu’un à qui ils peuvent s’adresser. Il y a des conditions sociales qui ne permettent pas tout cela au domicile.
Et puis il y a aussi des élèves qui viennent de milieux sociaux favorisés, et qui sont dans l’échec parce que, chez eux, on ne s’intéresse pas à l’école, on ne prend pas le temps de s’occuper d’eux. L’inverse est vrai aussi : des conditions sociales modestes, mais où l’école est importante, et des enfants qui réussissent parfaitement. Il n’y a pas de règle.



Certaines études officielles vont jusqu’à affirmer que l’école contribue à la reproduction des inégalités scolaires et sociales. Qu’en pensez-vous ?
Les établissements qui réussissent le mieux sont ceux qui accueillent les populations les plus favorisées, et ceux qui réussissent le moins accueillent les moins favorisées. L’idée était de donner plus à ceux qui sont le moins favorisés pour que tout le monde arrive au même niveau, au bout du compte. Par exemple, augmenter la proportion de boursiers dans les classes préparatoires, c’est faire en sorte que les populations défavorisées ne vivent pas l’inégalité sociale, donc aller à l’encontre de ce qui se passe aujourd’hui. Car les écoles les plus prestigieuses accueillent surtout des jeunes des familles favorisées.
À Diderot, nous avons la particularité d’avoir des classes à horaires aménagés musicales (CHAM). Il y en a deux à Besançon, aux collèges Victor-Hugo et Diderot. Nous accueillons donc un certain nombre de ces élèves. La majorité veulent aller à Victor-Hugo, mais ce collège ne peut pas prendre tout le monde. Donc, moi, j’ai 24 ou 25 dossiers de demande d’inscription en CHAM, mais quand je procède aux inscriptions, il n’en reste que 20, car certains me disent : « Non, mon enfant n’ira surtout pas à Diderot, même en classe à horaires aménagés musicale ! »
Même dans les sélections pour certaines grandes écoles, on déplore parfois une discrimination selon le quartier d’origine. Donc, il faut inverser cette tendance. Il faut permettre à l’élève, quelle que soit son origine, d’aller vers des études longues, supérieures. Pour qu’on avance, il faut qu’on arrive à faire changer nos pratiques pédagogiques. On ne peut continuer le cours magistral frontal. Il faut que l’élève sache ce qu’on attend de lui, ce qu’il va apprendre, pourquoi il va l’apprendre, et qu’on soit en mesure de travailler sur des compétences acquises. Chacun a en tête l’exercice de la dictée. Dans les dictées, on note les fautes et les erreurs, mais jamais ce que l’on sait faire… Et nous sommes encore dans un système où l’on évalue les manques, mais pas suffisamment ce que l’élève sait faire. Eh bien, il faut modifier nos pratiques pédagogiques. Dans un établissement RAR, on en ressent encore plus le besoin que dans un établissement du centre-ville.



Et au niveau des langues au collège Diderot ?
C’est très classique : anglais et allemand en langue vivante 1, les mêmes, espagnol et italien en langue vivante 2. Nous avons, dans le cadre des enseignements des langues et cultures d’origine, le soir pour les élèves qui y sont inscrits, des cours de turc et d’arabe de Tunisie, par des enseignants habilités par l’Éducation nationale, qui prennent les enfants d’origine turque ou tunisienne. Ce sont les consulats de ces pays qui sont nos partenaires pour cet enseignement.



Avez-vous des jeunes qui tentent de quitter Planoise, par le jeu des options, en choisissant des options « rares » pour le lycée ?
Non. Je dirais même qu’on est plus confrontés au problème inverse. On a des élèves qui ne veulent pas quitter Planoise. Hors Victor-Hugo et Tristan-Bernard, les deux lycées de Planoise, point de salut ! On a des élèves qui veulent rester là… Je suis arrivé ici à la rentrée 2007. Il y avait trois jours que j’étais là. Je rencontre deux jeunes, que je ne connaissais pas et qui étaient scolarisés en troisième l’année précédente. Ils me disent qu’ils viennent pour s’inscrire en redoublement : « On est allés à Montjoux, c’est loin, ça ne nous plaît pas, on n’a pas envie d’y rester ! » Je leur ai dit que c’était quand même Besançon !… et j’ai refusé de les inscrire. D’autres me disent : « Aller à Pergaud, certainement pas ! » La majorité des élèves, et notamment ceux qui vont en seconde professionnelle, préfèrent rester sur Planoise. Ceux qui vont en lycée général se disent : « Il faut que je choisisse quelque chose qui me convient, en fonction de ce que je veux faire. » Mais ceux qui vont en lycée professionnel se disent qu’ils resteront à Planoise. On a là une véritable attraction du quartier de Planoise, pour les jeunes qui en sont issus.

Entretien avec Jean-Louis Tournut, principal du collège Diderot (780 élèves), classé « RAR » (Réseau ambition réussite), réalisé le 5 décembre 2008, par Philippe Godard pour le site Migrations à Besançon

Besançon, France

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