Josué Becaro, réfugié italien (1850)

Monsieur le Préfet,
J’ai l’honneur d’en appeler à votre bonté, comme peut-être à votre justice en faveur d’un malheureux réfugié italien.


Cet homme arrivé je crois depuis deux ans à Besançon, a toujours honorablement vécu de son travail. Ayant été à même d’aprécier [sic] en lui sa rare qualité je n’avais pas ésité [sic] en août 1849, de le prendre à mon service, et je l’ai gardé jusqu’en novembre de cette année sans qu’il ait jamais mérité le moindre reproche. Mais comme depuis, une nouvelle organisation de mon intérieur m’empêchent [sic] de le garder, il se trouve aujourd’hui forcé de reprendre son ancienne vie c’est à dire de travailler à la fabrication de petites statuettes en plâtre et d’aller les vendre dans les villages du Département. Cette petite industrie quoique peu lucrative lui permettront [sic] cependant, vu son courage et sa probité, de vivre sans le secours d’autrui, s’il ne se trouvait un obstacle à son exploitation. C’est [sic] homme n’a aucun papier à l’abbri desquelles [sic] il puisse librement circuler. En arrivant ici il déposat [sic] sa feuille de route dans les bureaux de la préfecture, en échange de quoi on lui délivra une carte de sûreté ; mais malheureusement, cette carte, il l’a perdue et se trouve ainsi dépouillé de la seule garantie qu’il pouvait fournir à la juste exigence des lois de sûreté. Comme cette carte lui avait été remise sans difficulté, je croyais qu’on la lui remplacerait de même, mais il n’en fut pas ainsi : aucun des fonctionnaires à qui je m’adressai ne voulut ni ne put prendre sur lui de lui délivrer une nouvelle carte, et tous me conseillèrent de m’adresser directement à vous, Monsieur le préfet, pour cette affaire. Si je n’ai pas reculé devant la hardiesse de cette demande c’est que j’ai compris que pour cet homme, cette affaire est une question de fortune ou de malheur. Je dirai presque de vie ou de mort ; et je m’en voudrais de n’avoir pas épuisé tous les moyens que j’avais de rendre ce service à ce malheureux. En effet, s’il peut ici librement exercer ses moyens d’existence, ce qu’il fera pour lui-même joint à la ressource qu’il trouvera en moi, (car je continue de l’occuper deux ou trois jours par semaine) lui assurera une existence heureuse et facile, si au contraire il est privé de la possibilité de vendre le fruit de son travail, ou qu’on l’oblige à quitter la ville, sachant à peine travailler, comprenant peut [sic] et ne sachant pas du tout parler le français, que fera-t-il dans un lieu où il ne connaîtra personne ?
Ces raisons je l’espère, Monsieur le Préfet, vous expliqueront assez la liberté que j’ai prise de vous écrire puisque ce moyen seul me restait pour sauver ce malheureux qui, à tous égard [sic], mérite qu’on s’occupe de lui. J’ose donc espérer que ma prière sera entendue, et que vous voudrez bien, Monsieur le Préfet, ne pas refuser une carte, c’est à dire son gagne-pain, à cet homme qui ne demande qu’une chose : pouvoir vivre de son travail.
Agréez, Monsieur le préfet, l’assurance des sentiments respectueux de votre humble et dévoué serviteur.

[Signature illisible]
Professeur de dessin
Rue neuve 20 Besançon

La personne que j’ai l’honneur de recommander à Monsieur le Préfet se nomme Josué Becaro natif de Schio, province de Vicence , et demeure actuellement rue Battant 122

Source : Lettre du 22 décembre 1850 adressée au préfet du Doubs par un professeur de dessin, domicilié 20, rue Neuve à Besançon – Arch. dép. du Doubs, M 736 Extrait du livre « Etrangers de chez nous  » d’Alain Gagnieux.

Schio, Vicence, Italie

Besançon, France

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