On écrit nous-même notre histoire

S’il vous arrive de manquer de force ou de volonté, si vous avez un passage à vide, plongez-vous dans l’histoire de Samira. « On écrit nous-même notre histoire, il ne faut pas laisser d’autres l’écrire à notre place » nous confie-t-elle. Et c’est ainsi que la vie peut s’organiser et c’est ainsi que même les obstacles deviennent partie de notre histoire, de même que nos réussites.

Je suis venue en France pour me marier
Je suis née à Tetouan au Maroc en 1973. Je suis arrivée en France en 1990 à l’âge de 17 ans. Ma tante qui est ici à Besançon connaissait ma future belle-mère. Elle voulait marier son fils qui lui a dit « moi, je veux une fille qui est bien, qui peut s’en sortir ici en France ». Ma tante a dit « moi j’ai une nièce » et ils sont venus me voir. J’ai dit oui, c’est important le mariage pour une fille au Maroc. Mon mari, marocain aussi, a 11 ans de plus que moi.

La couture depuis toujours
Au Maroc, j’ai appris la couture dans une école privée. Tous les mois mes parents payaient pour que j’apprenne la couture. J’ai commencé à aller dans cette école à l’âge de 13 ans pendant les vacances. Puis après l’école primaire j’y suis allée tous les après-midis pendant plusieurs années.
Je suis devenue couturière de métier, je fais tout, je sais faire des patrons, couper un modèle, faire des retouches, je fais des costumes d’hommes, c’est très difficile, ça prend beaucoup de temps.
L’année où je voulais passer mon diplôme, je me suis mariée, je suis partie vivre en France.

Arrivée en France : naissance d’une femme déterminée
A l’école au Maroc, on fait peu de français et quand je suis arrivée en France j’avais des difficultés. Quand je devais aller chez le médecin c’était ma belle-mère qui m’accompagnait mais ça n’a pas duré longtemps car j’ai vite commencé à apprendre. A l’IFPA, on faisait des maths et du français.

Mon mari n’était pas d’accord que je travaille. Il me disait „il faut s’occuper des enfants à la maison », mais j’ai insisté quand même, beaucoup… Je ne voulais pas être malheureuse toute ma vie à rester à la maison à faire le ménage, à m’occuper des enfants. A la sortie de l’école Condorcet (dans le quartier de Palente) où allaient mes enfants, j’ai appris par le bouche à oreille, l’existence de la MJC de Palente et de ses activités. Je me suis engagée comme bénévole. Je participais à une journée du livre, je faisais les gâteaux avec les dames, triais le linge pour le vendre aux gens qui sont dans le besoin… puis il y avait une journée vente…

Le ménage ou bien assumer son propre choix
L’assistante sociale m’a envoyée voir des parrains, 2 messieurs, 2 retraités, j’avais encore un peu de difficultés en français, et j’avais un entretien avec eux. Ils ont dit „pourquoi pas déjà essayer un premier métier, faire un peu de ménage ? » J’ai dit „non moi je ne veux pas de ménage ! »

Mon souhait était de travailler à la Blanchisserie du Refuge. Pendant ma formation à l’AFPA ils nous ont demandé de faire une semaine dans une entreprise. Je suis venue voir à la Blanchisserie. A cette époque ils ne prenaient pas de stagiaires mais c’est la Blanchisserie qui est toujours restée dans ma tête. Je me suis dit „le linge oui, ça a un rapport avec mon métier de la couture ».

Finalement j’ai atteint mon objectif. Après avoir sollicité à nouveau la Blanchisserie du Refuge j’ai obtenu un entretien avec la directrice. Cela m’a permis d’obtenir un CES de 6 mois à mi-temps, puis un CEC, puis un CDD, puis un CDI. A mi-temps c’était bien, car je m’occupais de mes enfants. Mais je pensais qu’ils n’allaient pas me garder parce que c’était une insertion, mais ils ont eu un nouveau gros client et comme ils ont vu que je travaillais bien, que j’étais rapide, ils m’ont gardée.
Je suis très contente, j’ai mon salaire, j’ai ma voiture et on a pu acheter notre maison, une grande maison avec un jardin.

Et les portes s’ouvrent
A mon arrivée à la Blanchisserie du Refuge je triais le linge, l’étiquetais au nom du client, le mettais en machine. Puis petit à petit l’encadrante a compris que j’étais couturière donc elle a dit « pourquoi pas essayer de faire un atelier couture à la Blanchisserie » ! On a essayé et on a commencé avec une toute petite machine.

Je suis devenue encadrante technique, je forme pour le repassage, le pliage, la propreté. C’est moi qui fais les plannings, les anciennes encadrantes m’ont appris comment faire. Au début c’était à la main et maintenant c’est sur informatique, c’est mieux. Je m’occupe aussi de l’atelier couture parce qu’il fallait faire les coutures vraiment bien professionnelles. Nous fabriquons aussi les couches lavables, les doudous, les t-shirts, selon la demande.

Je suis très contente et fière parce qu’avoir juste un niveau d’études pas très élevé et monter si vite… Donc oui je suis fière, oui j’ai commencé en insertion et maintenant c’est moi qui encadre les gens en insertion. C’est bien d’avoir des diplômes, c’est bien d’avoir son bac, ça aide. Mon rêve c’est de passer le diplôme d’encadrante technique, bien que je sois déjà encadrante technique en réalité.

En guise de conclusion
Mes fils sont des adultes maintenant. J’avais très peur quand je les laissais et que je partais travailler mais finalement ils s’en sont très bien sortis. Je souhaite qu’ils trouvent un travail stable et que mon dernier puisse finir ses études dans les meilleures conditions.

J’ai acquis la nationalité française. On retourne presque tous les ans au Maroc, j’y ai encore mon père et mon frère. J’ai aussi un frère et une sœur ici à Besançon. Je me sens plus Bisontine que Marocaine aujourd’hui. Je n’ai plus la même culture. Ma vie est ici.

Parfois, on n’arrive pas dans la vie, mais il ne faut jamais désespérer, il faut garder son envie et on y arrive. On écrit nous-mêmes notre histoire, il ne faut pas laisser d’autres l’écrire à notre place !

Témoignage de Samira Bouassoun, recueilli et transcris par Gigliola Borin en nov. 2015, adapté et mis en forme pour publication sur le site par Douchka Anderson en novembre 2019.

Tetuán, Maroc

Besançon, France

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