Zem était secrétaire dans un ministère à Yaoundé, au Cameroun. Elle épouse un franc-comtois là-bas, et le couple s’établit en 2005 à Besançon, avec 2 de ses enfants que son mari a reconnu. Mais des problèmes liés à l’alcoolisme apparaissent chez lui, la violence conjugale s’installe et pousse Zem à partir.
« Oui, je veux bien parler, c’est une bonne initiative. Quand on arrive, on trouve que les gens sont froids, mais quand on cherche à s’intégrer, ça va mieux. »
« A la séparation j’ai pensé à retourner au Cameroun, mais je n’ aurais pas retrouvé mon travail là-bas. Ayant obtenu la nationalité française entre-temps, j’ai préféré rester et trouver du travail. Solidarité Femmes m’a beaucoup aidé et m’a fait rencontrer des assistantes sociales. Ce sont les meilleures interlocutrices, elles vous écoutent, vous orientent, vous aident à cibler les priorités. Elles sont plus efficaces que l’ agence pour l’emploi..
J’ai travaillé comme aide à domicile. Les personnes âgées m’ont beaucoup appris. Je me sens proche d’elles, comme chez nous, ce sont des personnes qui ne jettent pas le pain, elles ont été élevées comme ça. Elles m’ont appris la cuisine française. A mon arrivée, j’ai arrêté de faire de la cuisine camerounaise pour mieux m’intégrer à la région. J’ai voulu apprendre à cuisiner ce que l’on trouvait ici. Le plus difficile ça été le fromage ! Le poulet et le poisson n’ont pas beaucoup de goût ici …
Les personnes âgées ont un vécu, certaines ont voyagé, l’expérience de la vie les a rendues
plus tolérantes que les plus jeunes. Il y a plus de barrières chez eux, je trouve cette génération plus fermée. Je n’ai pas eu de problèmes de racisme avec les aînés, nous avons les mêmes valeurs.
Les francs-comtois sont méfiants, on peut vous tuer chez vous, personne ne fait rien ! Tout le monde se protège, on tourne le dos à son voisin, on ne dit pas bonjour, alors que chez nous, on sourit même quand on a mal.
Malgré cela, Besançon me plait, c’est une ville verte, les forêts autour me rappellent mon pays. J’aime mieux le froid de l’hiver ici que la chaleur humide du mois d’août au Cameroun. J’ai appris à marcher dans la neige comme dans la terre mouillée glissante à la saison des pluies
Je ne cherche pas spécialement à rencontrer mes compatriotes, pour justement ne pas rester entre soi, si on veut s’intégrer, il faut s’ouvrir aux autres. Je continue à participer à des activités avec Solidarité Femmes, cuisine, bricolage, des sorties. »
Au Cameroun, Zem a été pendant 7 ans présidente d’une tontine, système d’épargne fondé sur la confiance, et permettant à des femmes de financer des projets en mutualisant leurs cotisations régulières sur une année. Les fonds récoltés étaient répartis en différents caisses afin d’aider aux soins, aux frais scolaires, aux frais occasionnés lors d’obsèques, tout en rompant leur dépendance aux hommes, et les intérêts étaient reversés aux femmes.
« On fonctionnait comme les banques, certaines femmes ont réussi à acheter un terrain et à construire leur maison. Celles qui n’avaient pas de travail étaient motivées pour cotiser en vendant de la bière ou du poisson fumé, cela les aidait à réaliser leurs projets. Nous avons été jusqu’à 50 femmes à se réunir le 10 de chaque mois. J’ai même crée un comité avec d’autres tontines, tellement nous avions de succès ! »
Zem ne sait pas si un tel système serait transposable ici. « Il faut bien se connaître et avoir confiance. »
Elle est actuellement agent technique stagiaire dans un service de la ville, et aimerait passer des concours administratifs, afin de trouver un travail plus en rapport avec son expérience passée.
Propos recueillis par Geneviève Cailleteau en mars 2012.
Yaoundé, Cameroun
Besançon, France