Valérie Hincelin, citoyenne sans frontière

Au-delà de l’intégration, au-delà des communautés, Valérie Hincelin, citoyenne sans frontière.


«  J’ai conscience de ma chance d’être arrivée ici toute petite, avant 10 ans, avec mes parents. Mon père était étudiant en médecine à Dijon . L’intégration a été plus facile, par la scolarité. Je connais les rouages. Quand quelqu’un arrive à l’âge adulte, il manque un palier dans l’intégration. Pour moi, ça s’est fait naturellement. »

Coordinatrice du centre social de l’ASEP rue Résal à Palente, Valérie est aussi adjointe au maire, déléguée aux quartiers Chaprais, Cras, Orchamps, Vaîtes, Combe Saragosse ; au logement et à l’habitat ; à l’emploi et à l’insertion ; à l’économie sociale et solidaire.

Alors qu’elle n’a que 17 ans, une rencontre décisive, lors d’une conférence, avec René Dumont*, la décide à s’engager dans la vie sociale et politique de sa ville d’accueil. Besançon, où elle a passé son BAFA, l’a attirée avec sa réputation de ville verte, jeune, culturelle. Après une incursion dans le droit, elle passe le BEATEP : brevet d’état d’animateur et technicien d’éducation populaire, option vie sociale, vie locale, enfance, jeunesse, famille.
Pendant ses études, elle exerce les fonctions de directrice de centre de loisirs, est vacataire de la ville en animation à la MPT de Planoise.

Elle se forme aussi à l’art du conte, et devient conteuse professionnelle.
Valérie puise alors dans ses souvenirs, son enfance auprès de sa grand-mère et de sa tante paternelle en Centrafrique, réécrit elle même ces contes , perpétuant la tradition orale dont elle est issue. Elle intervient dans les écoles, lors de la semaine de l’éducation contre le racisme, avec notamment une pièce « Patates » où les patates douces fraîchement arrivées doivent  se faire accepter des belles de Fontenay …

On l’aura compris, Valérie est pragmatique avant tout !
« Pour moi, agir est très important. Je suis pugnace, je n’attends pas, j’avance tant que je suis convaincue. Quand on a des convictions, il faut mettre en place des projets en les écrivant avec et pour les gens. Il faut l’investissement de tout un chacun pour agir, alors l’être humain retrouve sa valeur. C’est une bataille quotidienne pour l’intérêt général ! »

* René Dumont : (1904-2001) Ingénieur agronome, spécialiste de la lutte contre la faim dans le monde, a écrit une trentaine d’ouvrages sur le sous-développement. « L’Afrique noire est mal partie » (1962) et « L’Afrique étranglée » (1980), très critiques envers les choix économiques et politiques des dirigeants africains, sont des ouvrages de référence. En 1974 il s’est présenté comme candidat écologiste contre Valéry Giscard d’Estaing aux élections présidentielles. Il est considéré comme le père du mouvement écologiste en France.


Vivre ensemble

Mieux nous connaître pour mieux vivre ensemble, la devise du site lui convient à merveille, et doit sûrement figurer en morale d’un de ses contes !
« Vivre ensemble est mon cheval de bataille, au niveau professionnel, politique et social . En France, la culture du « vivre ensemble » est portée par le politique, par des actions. Ici, on doit mettre des mots, on doit asseoir cela par l’écrit, à travers des projets. En Afrique, cela se transmet naturellement, cela se vit au quotidien. Ici tout se formalise, on doit se téléphoner pour se rencontrer, on dérange facilement, même dans les relations toutes simples de l’amitié. Par respect pour ma 2° culture, je le fais, mais je perds en relations humaines Je ressens une fracture entre ma culture d’origine, orale, et celle d’ici. En Afrique, il y a beaucoup de souffrances, mais le lien social naturel, la présence de la famille élargie génère de la joie de vivre. La crise actuelle nous ramène petit à petit à ce lien social de proximité, j’observe un retour à la solidarité naturelle, entre voisins par exemple. Toutes ces valeurs sont développées dans mes contes. »


Une culture universelle

Je me sens citoyenne sans frontière, je me revendique d’une culture universelle. J’essaie de transmettre cela à mes 3 enfants, en les emmenant partout, en organisant des occasions d’ancrer mes convictions. A la maison je leur fais de la cuisine africaine bien sûr, mais nous organisons aussi des semaines à thèmes, pour découvrir d’autres cuisines. Il y a ce que l’on veut faire passer et ce qu’ils vivent à l’extérieur, sans nous. C’est mon souci, comment transmettre ? »

A cette question qui lui semble essentielle, l’opportunité du site et de son témoignage, lui apparaît soudain comme une réponse.
« Je vais pouvoir aller sur le site, le montrer à mes enfants, comme un passage entre eux et moi, un maillon entre ma culture d’origine et celle d’ici, et ils pourront aller voir les autres cultures. Après, il faudra faire fonctionner le bouche à oreille, et si l’on connaît quelqu’un qui a témoigné, ce sera le déclic pour que d’autres y aillent. »

« J’ai besoin d’ouverture, besoin des autres, je ne peux pas m’enfermer dans une communauté. Je vais dans une action si je m’y retrouve, mais je ne veux pas être un alibi, parce que je suis d’origine africaine. »

« Si toutes les forces vives présentes à Besançon se rencontraient et se donnaient un temps, un an par exemple, pour une action, à fond, puis une autre. Le politique y croirait et soutiendrait la mutualisation des associations. »

Et dans un éclat de rire, Valérie conclut :

« Je suis une utopiste ! ».

Entretien avec Madame Valérie Hincelin. Propos recueillis par Geneviève Cailleteau le 3 décembre 2009.

République centrafricaine

Dijon, France

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