Cambodge : témoignage du père Gilles sur les assassinats de Khmers

Tous ceux qui ne sont pas mort de faim ou de maladies, ont été tués parce qu’ils étaient des intellectuels


Ceux qui s’en sont tirés ont dit qu’ils étaient cyclopousses ou qu’ils pratiquaient un métier manuel.

Les 4 etudiants cambodgiens avant leur retour au Cambodge

Début janvier 1976, quatre étudiants cambodgiens mariés ont voulu retourner dans leur pays. Je les ai accompagnés à Paris à l’ambassade du Kampuchéa démocratique (régime des khmers rouges). Et puis, ils sont partis. On n’a plus eu de nouvelles.
Lors de mon premier séjour en juillet 75 en Thaïlande, un ami cambodgien m’avait dit : « J’ai un ami cambodgien qui est en Thaïlande, il vous accueillera à l’aéroport, il va s’occuper de vous. » Je l’ai donc vu à Phnom Penh. Il parlait français, il s’occupait à Bangkok de l’office pour l’aménagement du Mékong.
Et cet ami a cru pouvoir être utile à son pays en retournant au Cambodge. Il ne savait pas exactement ce qui se passait. Il a voulu retourner ! Et pour aller de Bangkok à Phnom Penh, il a fait Bangkok – Paris – Paris – Pékin – Pékin – Phnom Penh.

Donc en 1977, ou 1978, il vient à Paris. Il était à ce moment là sous la domination des khmers rouges de l’ambassade à Paris, et il vient à Besançon avec sa femme, ses enfants, et accompagné  par deux représentants de l’ambassade. Alors, je suis invité, et je dis à ces messieurs de l’ambassade : « Messieurs, nos amis vont retourner au Cambodge, j’espère qu’ils vont nous donner des nouvelles, parce que nous avons déjà quatre amis qui y sont retournés. Et nous sommes étonnés de ne pas avoir de nouvelles d’eux depuis plus d’un an. » Ces diplomates khmers rouges m’ont répondu ceci : « Les Cambodgiens n’ont pas le temps d’écrire, ils travaillent. Deuxièmement : nous n’avons aucune relation épistolaire avec le monde libre… » Voilà ce qu’ils m’ont répondu.

Dessin fait par un réfugié

Donc tout s’est bien passé, mes amis sont partis. Arrivés à l’aéroport de Phnom Penh (Pochentong), ils ont été amenés à Tuol Sleng (S 21 : la prison dont on ne ressort pas vivant). Et ils ont été tués immédiatement, comme beaucoup d’ailleurs… Il faut vous dire une chose, c’est que tous ceux qui ont été tués à la prison de Tuol Sleng S 21 étaient à 98 % des anciens khmers rouges, des sympathisants khmers rouges ; ils étaient 18 000. Parmi les ambassadeurs et les  étudiants rentrés au pays, certains s’en sont tirés car ils avaient été emprisonnés dans un camp spécial. Mais beaucoup sont morts. Pol Pot ayant la maladie de la persécution, comme Staline et tous les dictateurs, était capable d’appeler un chef de province khmer rouge, de l’enfermer à S 21, et de l’assassiner. Le peuple cambodgien était tué dans les villages ou sur les routes. Le film La Déchirure (réalisé en 1985 par Roland Joffé) le montre bien. Par exemple, dans un village, un chef khmer rouge appelait les gens, puis disait : « On a besoin d’un médecin, levez la main ceux qui sont médecins. »

Quelqu’un levait la main. Alors on lui mettait un sac sur la tête, et pfuit, on le tuait. Les khmers rouges disaient que pour le Cambodge, qui à cette époque-là avait à peu près sept millions d’habitants, un million de convaincus suffisait. Donc, les autres… Ceux qui ne sont pas mort de faim ou de maladie ont été tués parce qu’ils étaient des intellectuels. Ceux qui s’en sont tirés ont dit qu’ils étaient cyclopousses ou qu’ils pratiquaient un métier manuel.

Propos recueillis par Samuel Mesnier le 24 octobre 2008 et mis en forme par Alain Gagnieux et Odile Chopard.

Cambodge

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