Chantal a fui le Congo Démocratique en 1998

Chantal habite en France depuis douze ans, et à Besançon depuis dix ans. Il y a quarante-cinq ans, elle voyait le jour à Kinshasa, dans la République du Zaïre, devenu le Congo Démocratique.


Issue d’une famille commerçante, elle exerçait le même métier que ses parents, et s’était mariée. Puis, en 1998, elle est partie avec son époux, fuyant leur pays dans lequel leur vies étaient menacées ; et ils sont arrivés en France où ils ont demandé l’asile politique.

 « Quatre mois à Paris, un an à Strasbourg, pour cette demande d’asile politique. Ce fut une période très difficile à Strasbourg. Une employée de la Préfecture nous a fait arrêter par la police. Nous avons été conduits à une frontière allemande, et menacés d’être renvoyés chez nous, au Congo. Me prenant à part, ils m’ont demandé de dire des choses fausses et injustes sur mon mari, ce qui m’a scandalisée. Je leur ai dit que s’il fallait l’expulser, qu’on nous expulse tous les deux… Comme nous n’avions même pas pu avoir, comme il se devait, un récépissé de titre de séjour en attendant la réponse à notre demande d’asile, l’association « France Terre d’Asile » nous a affectés à un foyer d’hébergement, en banlieue parisienne, où, au bout d’un an, nous avons obtenu notre asile politique.

Nous avons donc obtenu le statut de réfugiés politiques, avec une carte de résidents de dix ans nous donnant le droit de travailler. Six mois après, « France Terre d’Asile » nous a envoyés à Besançon au centre d’hébergement appelé « Le Forum ».

Je suis bisontine depuis novembre 1999. Notre arrivée au Forum et notre séjour n’ont pas été faciles. Nous vivions parmi une population en majorité marginalisée : alcool, drogue, laisser-aller ; il était difficile d’être tranquilles. Nous avons pu trouver un logement, mais ce fut très difficile de trouver du travail. C’est à Paris, par des connaissances, que j’ai trouvé du travail : femme de chambre dans un hôtel. Je venais une fois par mois à Besançon. Je suis tombée malade et j’ai dû être opérée par deux fois. J’ai fait ensuite une formation à la F.R.A.T.E., à Besançon. A la fin de la formation, je n’ai toujours pas trouvé de travail et je suis retournée à Paris retravailler comme femme de chambre dans le même hôtel qui m’avait employée.

En 2005, j’ai eu des problèmes avec celui qui est devenu depuis mon « ex ». Une assistante sociale m’a orientée vers une association. J’y ai été hébergée, d’abord dans un hôtel, puis, plus tard, dans un appartement que je partageais avec deux autres femmes. Chacune avait sa chambre, et nous avions en commun la cuisine et la salle de bains ; tout s’est bien passé la première année, mais en 2006, une autre dame est venue habiter avec nous ; elle avait un bébé de quatre mois. Tout se passait bien au début mais elle a commencé à me créer des problèmes. Il faut dire que je venais de subir une autre opération chirurgicale, j’étais fragilisée par mon divorce et ma mauvaise santé. Cette compagne d’appartement m’agressait en permanence, prétendant que je voulais lui voler son fils et que je l’agressais moi-même. Les responsables de la structure ne pouvant ou ne voulant rien faire, je suis allée déposer une main courante au Commissariat ; il était vingt heures, je n’en pouvais plus car j’étais harcelée tout le temps. Ce soir-là, je suis allée dormir chez une amie. Quand, le lendemain matin, je suis allée à l’association pour raconter ce qui se passait, on m’a dit de partir de l’appartement. J’ai été mise à la porte. Cette femme avait déchiré ses propres habits et appelé la police, prétendant que je l’avais agressée parce que je voulais lui voler son enfant !

Comment, moi qui suis noire, aurais-je pu voler un bébé blanc? Cet enfant était très attaché à moi parce que sa mère ne s’en occupait guère. Je ne pouvais laisser pleurer ce bébé abandonné à lui-même pendant que sa mère dormait, sortait… J’ai été très choquée par cette décision injuste. Personne ne m’a soutenue. J’ai été mise à la porte. Puis je suis allée à l’Eglise Réformée où une femme pasteur m’a accueillie, priant avec moi et me payant deux jours d’hôtel.

J’ai ensuite été hébergée par une amie avec laquelle nous étions dans une entreprise d’insertion, puis d’association en foyer (« Roseau », « Sonacotra »). J’ai fait une formation, un C.A.P. d’aide aux personnes âgées. J’ai travaillé au GARE B.T.T., j’ai fait des contrats de ménage et d’entretien avec des particuliers. A présent, malgré ma formation, chaque fois que je cherche un contrat à durée indéterminée, on me dit qu’il me faut avoir la nationalité française et le permis de conduire.

Je suis en train de passer le permis de conduire, mais j’ai des problèmes par rapport à ma demande de nationalité. Elle a été ajournée une première fois pour insuffisance de revenus et malgré un recours effectué en ma faveur par la « Cimade » et le témoignage du pasteur de l’Eglise Réformée, j’ai reçu à nouveau une fin de non recevoir à cause de cette histoire de prétendue agression lors de mon passage dans l’association. Mon casier judiciaire étant cependant vierge, j’effectue de nouveaux recours, avec l’aide d’un avocat et celle de la Cimade, auprès du Tribunal Administratif.

J’espère que cette injustice prendra fin et que l’obtention de mon permis de conduire et de la nationalité française m’ouvriront les portes d’un C.D.I.. »

Témoignage recueilli en mars 2011 par François Zoomevelée

Congo, Democratic Republic of the Congo

Paris, France

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