J’ai rencontré un peuple solidaire!

Je m’appelle Nelly Trelles-Verdot, je suis péruvienne et je suis née le 12 novembre 1967. J’habite en France depuis l’an 2000 car je suis mariée à un Bisontin, Jean Marc et j’ai trois enfants.


Actuellement, je travaille en tant que nourrice agrée, je garde 2 petits enfants et ma vie est comme la vie de n’importe quelle femme qui travaille et qui garde ses enfants, mais je suis aussi à la tête d’une association qui s’appelle «Arco Iris» qui a été crée en septembre 2002, cela va faire déjà 10 ans !

Tu peux nous raconter les débuts de l’association?

Depuis mon plus jeune âge j’ai une conscience solidaire, je ne l’ai pas acquise en arrivant en France mais je pense être née avec cette intention de tendre la main aux plus démunis, avec cette envie d’aider. J’avais déjà participé à certaines actions quand je vivais au Pérou, mais en 2002 quand j’étais déjà ici en France un cas isolé a attiré mon attention. Il s’agissait d’un petit garçon qui s’appelait Jerson, il s’était brûlé au 3ème degré pendant les fêtes de Noël en décembre 2001. La famille habitait à presque 250 km de ma ville natale, dans un petit quartier. J’avais lu cette annonce dans un journal informatif et à cette époque, j’avais déjà mon petit garçon Stéphane, il était tout bébé et je me suis mis à la place de la maman. J’ai senti tout de suite la souffrance de cette maman qui appelait les gens à venir en aide à son petit garçon. J’ai  appelé le journal et ils m’ont donné quelques informations, le petit n’était pas pris en charge par la sécurité sociale parce que la maman ne travaillait pas et elle n’avait pas les moyens de lui payer les soins. Je me suis impliquée et c’est à partir de ce moment là qu’une chaîne de solidarité est née pour sauver le petit Jerson. Malheureusement, malgré tous les efforts fournis ce petit nous a quitté, il est mort presque un mois et demi après l’accident. A partir de cet instant, je me suis décidée à créer une association pour aider les enfants de ma ville. Je suis alors allée à la préfecture où je me suis inscrite, d’abord on était quelques amis de mon mari et moi et ensuite l’association « arco Iris » a grandi.

Pourquoi vous avez choisi le nom d’ «Arco Iris» (arc-en-ciel) pour l’association?

Arco iris pour symboliser un peu l’espoir d’un enfant après un gros orage car à partir du moment où le petit Jerson est parti, l’association a commencé à aider les enfants du quartier « Jorge Chavez », c’est un quartier défavorisé dans ma ville natale (Catacaos au nord de Pérou), une grande ville de 70 000 habitants.

Quelles sont les actions de l’association au Pérou ?

On a différentes actions. On aide à payer les frais d’hospitalisation des enfants défavorisés de ma ville au Pérou. On a sauvé pas mal d’enfants, des enfants qui avaient des  problèmes de leucémie, des enfants qui avaient besoin de valvules pour le cerveau, ou souffrant de cardiopathie congénitale, d’hydrocéphalie…Un des derniers projets réalisé fut la construction d’une école maternelle qui s’appelle Le Petit Prince en honneur de l’œuvre de l’écrivain français Saint-Exupéry. Cette école accueille actuellement 58 élèves, mais on scolarise également des enfants qui ont déjà quitté l’école maternelle.
L’association a énormément multiplié ses actions envers les enfants mais aussi envers les adultes. Nous avons par la suite porté notre aide aux personnes handicapées. Au Pérou, c’est une partie de la population qui est encore mise de coté. J’ai notamment été beaucoup touchée par le cas de plusieurs personnes, de plusieurs familles. L’une d’entre elle, par exemple, n’avait pas les moyens d’acheter un fauteuil roulant pour leur fille de 15 ans. Cette petite avait vécu toute sa vie par terre, ce n’est qu’à 15 ans qu’elle a pu découvrir la ville, avoir une vie sociale plus ouverte. Au Pérou le système éducatif pour les personnes handicapées n’est pas vraiment prise en charge et l’infrastructure n’est pas adaptée à l’handicap, maintenant ça a changé un peu. Là-bas, les personnes handicapées ne sont pas stimulées dès leur plus jeune âge comme ici et elles restent chez leurs parents. C’est pour cela que nous avons projeté de créer un atelier de confection, de tricotage à la main.

Qui compose l’association?

Ici en France, l’association est composée pour la majorité de familles françaises. On est 93 familles qui soutiennent les actions de l’association, mais il y a aussi des entreprises qui nous soutiennent, la maire de mon village qui soutient la scolarisation de 2 enfants, la société de M. Minotti qui parraine notre association, l’entreprise de Micropolis, et puis il y a aussi l’entreprise « Micropierre », l’association « Constelation » qui nous aide avec des matériaux pour développer un projet de peinture, l’entreprise « Enora », M. Grosperrin, le Rotary Club Besançon et le conseil régional qui continuent à nous soutenir. Il y a  peu d’adhérents péruviens mais je compte sur leur soutien, même s’ils ne sont pas nombreux je peux compter sur eux, quand je lance un appel ils sont là pour me donner un coup de main, c’est ça le plus important.
Au Pérou, on a crée 9 postes de travail. L’école maternelle compte avec 58 élèves issus de familles défavorisées, entre maternelle et primaire on a en total 153 petits et la plupart sont des filles. Donc dans cette école il y a la directrice, un professeur, une jeune auxiliaire, un vigile pour le soir et une personne pour les aides aux devoirs après l’école.
Comme au Pérou, les horaires d’école est de 8 h. jusqu’à 13 h. de l’après midi quand les enfants rentrent à la maison parfois les parents ne sont pas là ou ils ne peuvent pas les aider à faire les devoirs car ils ne sont eux-mêmes pas allés à l’école. Donc après l’école on donne des cours de soutien scolaire et nous organisons aussi des activités extrascolaires: de la musique, de la danse, et du sport.

Et quand l’association fait des activités, les gens collaborent-ils? Ou avez-vous eu du mal à trouver de gens qui aident ici en France ?

Ah non, non, j’ai rencontré un peuple assez solidaire! A travers l’association, on a rencontré des gens qui collaborent, des familles qui nous ont tendu la main; même s’ils ne connaissent pas mon pays, ils aident et participent à différentes actions. On n’a pas eu de problème pendant les manifestations et l’association n’ pas eu de problème de soutien.

Comment les familles françaises se sont-elles impliquées?

Elles deviennent des parrains des petits, c’est un parrainage qui consiste à scolariser les enfants donc les familles donnent 160 euros par an et avec cet argent, on achète la fourniture scolaire, on paye les professeurs de l’école et les intervenants pour les activités extrascolaires, et aussi pour l’infrastructure de l’école, l’électricité, l’eau et d’autres actions qu’on réalise là- bas.

Et il y a des contacts entre les familles françaises et leurs filleuls au Pérou?

Oui il y a des contacts, les enfants écrivent à leurs parrains une lettre tous les 3 ou 4 mois, l’association paye les frais d’envoi ou quand les amis de l’association partent au Pérou, ils ramènent des lettres et des colis. Les lettres arrivent directement à la maison de chaque parrain… On n’a pas encore internet pour que les enfants communiquent directement avec leurs parrains.

Et il y a eu déjà des rencontres?

Oui énormément! C’était très émouvant! Il y a eu déjà 3 groupes de parrains qui sont partis là bas et on envisage déjà le départ d’un quatrième groupe. C’est émouvant le moment où les enfants on découvert les parrains et où les parrains ont connu les enfants. Les parrains vont découvrir un pays, une famille et son filleul, et à l’inverse les gens de mon pays les reçoivent bien car ils savent que ces gens s’impliquent dans le développement de leurs enfants, ce sont des familles nombreuses, qui n’ont pas les moyens pour acheter des fournitures scolaires.
Comment tu te sens Nelly maintenant que tu vois que l’association prend vraiment forme?
Moi et les membres de l’association ressentons plus que de la fierté. Je suis vraiment heureuse de voir que ces enfants peuvent accéder à une éducation, qu’ils reçoivent une éducation différente, plus grande que celle qu’ils auraient pu avoir dans d’autres écoles « normales ». Ces petits vont pratiquer la lecture, la danse, la peinture (on a une mini bibliothèque). Nous les invitons beaucoup à lire et ils font aussi la musique, on a crée une orchestre, ils jouent du violon, du violoncelle et des instruments faits avec des matériaux recyclés.
On est infiniment heureux de savoir qu’on va avoir une promotion d’enfants qui deviendront des adultes responsables, avec beaucoup de valeurs, de principes. Des enfants qui pourraient être appelés à devenir médecins, avocats et même s’ils ne font pas ce genre de formation on pourra compter sur des hommes et des femmes pour continuer cette chaîne de solidarité. Ces enfants qu’on soutient aujourd’hui quand ils seront adultes, quand ils seront en couple, vont donner comme priorité à leurs enfants une scolarisation telle qu’ils l’ont eue. C’est là le but de l’association, que les enfants changent leur avenir. Quand je lis dans le journal que tellement de gens se font tuer, que tant de vols sont commis, je pense que notre contribution ne va pas changer le monde, mais elle aura changé la vie d’au moins une personne et pour nous c’est important! On verra les fruits dans 10, 12 ans et je regarde ce projet avec beaucoup de fierté.

Propos recueillis par Adela Valencia, juin 2012

Catacaos, Pérou

Besançon, France

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