Là-bas j’étais architecte, ici je vis avec le RSA

Cette fille nous  fait penser à un personnage d’un conte des mille et une nuits. Nous racontera-t-elle une histoire magique ? Elle a les yeux qui brillent, le sourire au coin des lèvres. Son visage mêle la tristesse et la joie, la douleur du passé et l’espoir de l’avenir. Nous l’appellerons « Golab », qui signifie la rosée des fleurs du matin.


En Iran

Je viens d’Iran où j’ai vécu et obtenu mon diplôme d’architecture. Comme la plupart des jeunes j’avais beaucoup d’amis, j’allais au cinéma, aux concerts… J’ai participé à des manifestations étudiantes, et j’ai fait deux mois de prison.

L’arrivée en France

On a payé ma caution pour que je puisse sortir de prison en attendant le jugement. C’est là que je me suis enfuie à l’ambassade de France en Turquie. Comme je parle bien anglais, je voulais aller dans un pays anglophone. Je n’avais pas l’intention de venir en France car je ne connaissais pas du tout la langue. L’ambassadeur m’a bercée d’illusions, il m’a dit que je pouvais réussir dans la société française, que l’on m’aiderait à m’adapter. Alors je suis venue en France en tant que réfugié. Je suis d’abord restée dans un foyer à Créteil pendant trois mois ; puis, cinq mois dans une autre petite ville à côté de Paris, et cinq mois à Lure. Enfin je suis arrivée à Besançon en Février 2011 dans un appartement.

La vie en France

Au foyer à Paris, c’était très dur. Il n’y avait aucun moyen mis en place pour que je m’intègre. Nous ne faisions rien de nos journées, nous ne pouvions pas choisir notre nourriture pendant les repas. C’était très frustrant. A Besançon, en ce moment, je prends des cours de français, car la barrière linguistique me pose beaucoup de problèmes, surtout pour trouver du travail, même si j’ai l’équivalence de mon diplôme ici. Actuellement, j’attends une réponse pour prendre des cours au Centre de Linguistique Appliquée.
Au début, je ne comprenais pas les français sans les mots, je n’arrivais pas à déceler les émotions, les expressions sur leurs visages. Alors qu’en Iran, nous sommes très expressifs, nous nous exprimons beaucoup avec des mimiques. Au niveau financier, je vis avec le RSA, et c’est très compliqué. J’aime dessiner et faire de la photographie mais je ne peux pas car le matériel est trop cher. J’ai été choquée par l’importance de la religion ici. Il y a beaucoup de femmes voilées, en Iran ce n’était pas comme ça. On me demande toujours et partout si je suis musulmane, je ne comprends pas pourquoi on me pose tout le temps cette question.
Et surtout, beaucoup de français ne respectent pas les étrangers. Quand je vais dans un magasin, ils se méfient de moi et me suivent comme si j’allais voler. A un moment, je cherchais un stage dans mon domaine alors je me suis rendue dans un cabinet d’architecture. Je me suis présentée correctement et j’ai expliqué mes motivations. Le responsable était debout, les bras croisés. Il ne m’a rien dit et m’a juste montré la porte avec son doigt. Je me suis sentie profondément humiliée, j’étais très mal. (Larmes)
Au début ça a vraiment été très difficile de m’adapter. J’ai tout perdu dans ma vie : mon travail, mes amis, mes parents. J’ai déprimé, je me sentais seule, isolée. Peu à peu je vais mieux, je retrouve goût à la vie, je m’adapte doucement. Grâce à l’accompagnement du PLIE (Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi) du CCAS, et surtout grâce aux qualités humaines et professionnelles de mon conseiller, j’ai pu faire des stages. Ils ont été un réel cadeau pour moi. Mais comme je ne parle pas bien français, je ne trouve pas de travail. Je suis devenue bénéficiaire du RSA. Je corresponds à l’image que certaines personnes peuvent avoir de ceux qui arrivent en France pour en profiter. Moi je ne veux pas être comme ça, alors que je le suis involontairement. Je veux travailler, améliorer mon français, me lever le matin. En aucun cas  je ne veux profiter du système.
Aujourd’hui la solitude me pèse moins, je me suis fais des amis français et iraniens. Je fais aussi partie d’une association franco-iranienne Golestân depuis quatre mois. Nous organisons des évènements, par exemple nous avons fêté le nouvel an iranien le 21 Mars, ou des concerts, des spectacles. Nous avons également l’intention d’organiser des cours de persan, le projet est en cours.

L’avenir

J’ai envoyé des dossiers de candidature à plusieurs universités pour reprendre un master. C’est un nouveau défi et une volonté de progresser, éventuellement d’augmenter mes chances pour trouver un travail. J’attends les réponses.
Pour l’instant, tant que le régime actuel reste en place, c’est la prison qui m’attend en Iran. Il m’est impossible d’imaginer mon avenir là-bas, même si j’aimerais y faire ma vie.

Ressentis

J’aimerais faire passer un message à travers mon témoignage. Dans ce monde, nous sommes tous égaux. Mais quand on commence à diviser les personnes en fonction de leur religion, de leur niveau d’étude, de leurs langues, c’est fini : ils se battent entre eux. Pourtant il n’y a aucune différence entre nous, il faut respecter les autres, les comprendre, ne pas les juger et relativiser.  
Avant en Iran j’étais très sensible. Avec cette expérience je me suis énormément renforcée, maintenant je suis très solide. J’ai appris que rien n’est jamais acquis, il faut être prêt à tous les changements car rien n’est jamais stable dans la vie.

Propos recueillis par Tanja Nikolova et Lise Mesas, Mai 2012

Iran

Besançon, France

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