Donc moi Charlotte Parini j’ai 47 ans cette année je suis française de père italien et mère française. Mon père est né en Italie mais a très vite vécu en France avec ses parents qui eux-mêmes étaient italiens et belges. En effet mon grand-père paternel était italien de la région de Milan et ma grand-mère paternelle était belge de père allemand et de mère italienne.
L’histoire de mon grand-père est un peu compliquée, il est né en France en 1909 de mère italienne, c’est un enfant naturel, et sa mère a été envoyée en France justement pour mettre son fils au monde parce que à l’époque ça ne se faisait pas ce genre de choses. Plus tard ils sont repartis en Italie et donc en fait toute la famille a toujours fait des allées et venues France-Italie, et quand mon grand-père a eu 10 ans ils sont revenus vivre ici définitivement. On est à la fois tous italiens et tous français.
Ma grand-mère était née en Belgique à Liège, c’est elle qui est de père allemand et de mère italienne. Ensuite ils sont venus vivre dans notre région et c’est ici que mes grands-parents se sont rencontrés, à Besançon, avec chacun des origines italiennes.
Ma grand-mère me parlait souvent de l’Italie où ils sont allés vivre quelques années et où mon père est né, puis ils y allaient régulièrement en vacances. Mes deux grands-parents parlaient parfaitement le français, et pour le reste je n’ai jamais entendu dire qu’il y avait des problèmes de papiers. Ils travaillaient tous les deux : mon grand-père était architecte et ma grand-mère était mannequin c’est comme ça que mon grand-père l’a rencontrée.
En Italie je ne rencontre personne qui pourrait être de ma famille, des Parini en Italie il y en a beaucoup mais je n’ai jamais cherché le contact avec eux, j’ai fait quelques recherches généalogiques pour savoir si on est des descendants du poète Giuseppe Parini et il semble que oui.
A la maison j’ai toujours entendu parler de l’Italie comme de quelque chose d’agréable, de bons moments, et puis il y avait des choses peu perceptibles mais qui faisaient que l’Italie était toujours présente même si mon père n’en parlait pas spécialement. Mais tous les gens qu’on côtoyait et même les voisins s’extasiaient sur nos origines, et puis on allait régulièrement en vacances en Italie, ce qui fait que j’ai toujours aimé l’Italie, j’ai pris italien comme 2e langue au lycée, j’ai voulu commencer à connaître à voyager et puis j’ai gardé ça comme quelque chose de précieux pour ne pas couper complètement mes racines.
Plus tard j’ai souhaité faire un DEA en Histoire de l’Art un Diplôme d’Etudes Approfondies mais bilingue français-italien donc je suis partie dans le cadre d’Erasmus, mais mon italien de lycée ne suffisait pas donc j’ai « fait » italien de façon intensive pendant 3 mois. Et je suis restée à Pavie 2 ans, 1 an Erasmus, et un an pour préparer mon DEA bilingue que j’ai obtenu en italien là-bas et en français ici.
Au début de mon séjour en Italie j’ai vécu à la cité universitaire essentiellement avec des étrangers, mais avec les étudiants italiens je n’avais aucun problème comme je m’appelle Parini ils me considéraient comme l’une des leurs, et d’ailleurs même maintenant c’est un vrai sésame ce nom, dans les hôtels souvent il n’y a pas de place pour les autres mais à l’énoncé de mon nom le problème ne se pose plus.
Ce qui m’a le plus étonnée pendant mon séjour d’étudiante là-bas, c’est les relations avec les professeurs qui sont mis sur un piédestal, ça a été un peu difficile pour moi, il faut prendre un RV pour voir son professeur, garder ses distances etc, mais bon je m’adapte…
Comme je ne peux pas vivre loin de l’Italie je me suis renseignée pour savoir quels moyens j’avais pour faciliter mon insertion là-bas et j’ai suivi au CLA une Formation de Professeur de Français Langue Etrangère en un an.
Après cela je suis partie travailler un an à Milan avec un contrat d’un an puis je n’ai pas cherché d’autre poste en Italie parce que j’ai pensé qu’avec ce diplôme de FLE j’avais la possibilité de parcourir le monde et c’est comme ça que je suis partie travailler un an en Syrie. Et là c’était un déracinement total et du coup je pense que j’ai un peu touché du doigt ce que vivent les étrangers en France. Je me suis sentie d’abord très seule même si j’étais entourée par les français du Centre Culturel, puis le fait d’être une femme c’est difficile à vivre dans certains pays. Mais j’ai aussi fait des rencontres et je suis encore en contact avec certains syriens de Syrie, même si mon séjour là-bas date d’il y a 17 ans.
Moi je travaille à Planoise, j’ai eu le choix de travailler à Planoise ou au centre ville, mais j’ai choisi ce quartier à cause du brassage de nationalités et je pense que je perçois mieux les problèmes d’incompréhension entre les gens et les difficultés des primo arrivants mais aussi des autres installés depuis plus longtemps. Je suis bibliothécaire et j’essaie de faciliter l’accès à la lecture et à la culture pour les gens qui passent à Planoise et par Mandela et il y a beaucoup d’étrangers c’est certain et pousser une porte de bibliothèque ce n’est pas facile parfois pour un français et pour un étranger c’est pire, donc on est allé chercher les gens en allant à leur rencontre au pied des immeubles. Maintenant il y a aussi des femmes qui ne lisent ni dans leur langue maternelle ni en français mais elles viennent accompagner leurs enfants, mais aussi regarder des films, regarder des revues de leurs pays, la bibliothèque est devenue un lieu de vie, de rencontres, des liens se tissent et ce n’est pas parce que tu ne lis pas que tu ne viens pas dans une bibliothèque et c’est ça qui est formidable.
Par rapport à l’immigration il faut prendre du recul, j’ai étudié l’histoire et la préhistoire les migrations sont inhérentes à la nature humaine, il y en a eu de tous temps et cela continuera après nous, il faut avoir une vision historique globale, et ce que nous vivons actuellement c’est juste une histoire de flux migratoires communs. Pour conclure je dirais que tout ce que j’ai vécu jusqu’à maintenant m’a permis d’aller vers les autres, c’est vrai que grâce à cette ouverture d’esprit ces liens entre la France, l’Italie, la Belgique et l’Allemagne, ça fait que je vais plus facilement vers les autres, parce que je n’étais pas destinée à ça au départ. J’ai une mère qui n’était pas très ouverte aux étrangers par exemple.
Un extrait en italien :
Mi chiamo Charlotte ho vissuto due anni in Italia e mi è piaciuto tanto e forse ritornero’ vivere un giorno.
Témoignage de Charlotte Parini recueilli par Tania Nicolova et Gigliola Borin, janvier 2013
Italie
Besançon, France