Si je pouvais revenir en arrière, je resterais au Cameroun !

« On croit toujours qu’ailleurs c’est mieux que chez soi, c’est un rêve ! On croit qu’en France tout est facile ! Je voyais des filles qui ramenaient beaucoup d’argent au pays, avec de belles voitures. »


« Elles vendaient leur corps mais ne le disaient pas … Après, quand on arrive, on se pose des questions si on ne veut pas gagner l’argent de cette façon ! »

Avec mon salaire, là-bas, je vivais mieux, j’avais des avantages, un chauffeur, une villa, je travaillais au service des douanes. Si j’avais su… j’ai tout perdu. Si je pouvais revenir en arrière, je resterais au Cameroun ! »

G …. a connu son futur mari lors de vacances en France, et a choisi de tout quitter pour lui. Une erreur, qu’elle regrette ! C’était en 2002. Elle se retrouve isolée dans un village du Doubs, sans permis de conduire, sans possibilité de travailler, et, très vite, victime de violences conjugales ! Bien que mariée, elle ne se sent pas protégée par la loi, ignore tout de ses droits, et ne sait où s‘adresser.
Le maire, la police, personne ne la croit.
« J’ai épousé quelqu’un qui m’a fait du mal, moi la plaignante, on ne m’a pas écoutée. Chez moi, le tribunal coutumier aurait mieux jugé. »
Après beaucoup de souffrance, et bien qu’à un mois d’obtenir ses papiers de séjour définitifs, elle quitte le domicile conjugal, se mettant ainsi en position administrative délicate.
« Je suis partie parce que je ne m’appelle pas Papiers ! »

Solidarité Femmes l’héberge pendant deux ans, et l’aide à clarifier sa situation. Il y aura procès, elle découvre qu’elle n’est pas la première victime de ce mari violent, ce qui la soulage : ce n’est donc pas de sa faute. Résultat : une condamnation minime de l’agresseur et divorce.
Elle effectue des remplacements au CCAS de Besançon, rencontre son mari actuel, agriculteur, qu’elle épouse au Cameroun en 2006 pour plus de facilité administrative.
La vie dans le Haut Doubs n’est pas facile. Outre l’accueil réticent de sa belle famille depuis le mariage, elle a du mal à se faire accepter dans le village.
« Les gens là-bas sont pires qu’en ville ! Je disais bonjour, mais personne ne me répondait ! Vous ne pouvez pas m’imposer ce silence qu’il y a dans vos villages ! Je suis née en forêt, la campagne c’est tout ce que j’aime, mais à qui parler ? Chez moi on était nombreux, dans les maisons, dans les rues, ici personne ne vous ouvre la porte ! Je me suis fermée… Mais on a besoin des autres, on ne peut pas vivre isolé ! Vous voulez qu’on s’intègre, mais vous ne voulez pas nous parler ! Je suis mieux en ville, le regard n’est pas le même. »

Le couple vit à Besançon depuis le départ en retraite du mari en 2007, ce qui facilite la vie de G … qui n’a toujours pas obtenu son permis de conduire. Actuellement elle travaille dans une maison de retraite comme agent de service dans le cadre d’un contrat aidé.
Elle est venue à bout du long chemin pour obtenir ses papiers, mais la signature du contrat d’intégration a soulevé chez elle bien des interrogations …

« Moi je croyais que les enfants nés avant l’indépendance* étaient français, donc je croyais que j’étais chez moi ! Au lieu de cela on a évalué mon niveau de français, on m’a posé plein de questions sur la France auxquelles mon mari ne sait même pas répondre ! Est-ce que chez nous, à Yaoundé, on demande aux français de s’intégrer ? Non ! Ils restent entre eux ! Alors pourquoi ? Et si je raconte tout ce que j’ai vécu ici, on me répond : pourquoi vous ne rentrez pas chez vous ? »

Elle aimerait retourner au Cameroun, voir son fils et ses deux petits-enfants… mais y vivre ?
« Non, je n’ai plus ma place ! »

G … est heureuse de cet entretien, car, pour une fois, elle a l’impression d’avoir été écoutée et, mieux, on est venu à elle pour recueillir sa parole, après tant de silence, de solitude et de souffrance.
« Si on m’écoute, c’est qu’on veut changer les choses, changer le regard sur nous, alors je veux bien parler, oui, pour les autres . Merci ! »

* En1884, le Cameroun (Kamerun) devint territoire allemand. Puis en 1919, il fut administré par la France, en vertu d’un mandat de la Société des Nations (SDN), le traité de Versailles ayant démantelé les possessions allemandes. Les 4/5 du territoire passèrent sous administration française, tandis que le reste fut attribué au Royaume uni.
* En 1946, le Cameroun passe sous tutelle de l’ONU, confié à la France.
* Il devient indépendant le 1° janvier 1960 avec Amadou Ahidjo pour président. En 1961, par référendum, une partie du Cameroun britannique rejoint le Nigeria, l’autre partie constitue la république fédérale, puis unie du Cameroun en 1972.
* Paul Biya en est l’actuel président depuis 1982.

Propos recueillis auprès de madame G. par Geneviève Cailleteau, le 7 décembre 2009, à son domicile.

Yaoundé, Cameroun

Doubs, France

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