Amor Hakkar, cinéaste

Amor Hakkar est né à Kenchela en Algérie en 1958. Arrivé en France à l’âge de six mois, il a grandi Cité des Founottes et vit toujours à Besançon.


Ecrivain, il a publié « La cité des fausses notes » (Pétrelle, 2002) , roman qui se déroule Cité des Founottes en 1966.

Cinéaste, il a réalisé « sale temps pour un voyou » (1992) ; « Timgad, la vie au coeur des Aurès », un documentaire de 52 minutes pour France 5 (2002), « La Maison Jaune » (2008).

Témoignage d’Hamor Hakkar recueilli par Radio Sud
Extrait de l’entretien réalisé par Aurore Faivre, diffusé le 16/06/2003

Témoignages recueillis par Radio Sud. à propos du livre « Couleurs Solides », collection de textes et de paroles sur l’Algérie et la France de 20 auteurs réunis par Soumya Ammar-Khodja.

Redécouverte de l’Algérie (1 min 2)

Lecture d’un texte (2 min 1)


Le réalisateur de « La Maison Jaune », Amor Hakkar, comme de nombreux membres de l’équipe du film est Franc-comtois. Ce film tendre et émouvant a été découvert au festival de Locarno où il a remporté trois prix. Le film a ensuite fait le tour du monde des festivals et a été à chaque fois accueilli chaleureusement comme à la mostra de Valence en Espagne où il a remporté le prix du meilleur film et de la meilleure musique (la bande originale a été enregistré à Besançon).

Synopsis:

Alya, une jeune fille de douze ans, bêche un lopin de terre aride.
Une voiture de gendarmerie s’approche. L’un des gendarmes lui remet une lettre et l’informe que son frère aîné qui effectuait son service militaire dans la gendarmerie, est mort dans un accident.
Au guidon de son tricycle à moteur, sans attendre et bravant tous les interdits, Mouloud, le père, paysan modeste des Aurès, récupère le corps de son fils.
Fatima, la mère, est plongée dans une immense tristesse.
Le paysan obstiné sait que dans les Aurés, renoncer c’est mourir un peu.
Ce père, très affecté et aidé de sa fille Alya, parviendra t-il à redonner le sourire à sa femme et aux siens ?

Avis d’une spectatrice:
J’ai eu la chance d’être à l’avant première du film d’Amor Hakkar « La maison jaune », j’en suis ressortie légère, pleine de cet amour familial partagé, pleine d’espoir pour cette humanité si souvent peu humaine, touchée par la beauté des paysages, par la lumière, caressée par le vent des Aurès que j’ai eu l’impression de ressentir sur ma peau. Je voudrais parler aussi des acteurs, tous trés justes, Amor lui-même dans le rôle principal rend ce personnage très attachant avec beaucoup de sobrièté, la jeune adolescente aussi, toute en retenue, la mère , bien sûr, et la musique… Tout est réussi ! 12 copies pour ce film dans toute la France, alors allez-y, que le bouche à oreille fasse que ce moment de bonheur puisse être partagé par le plus grand nombre, pour lui, pour eux là-bas, et pour notre plus grand plaisir !
Geneviève Cailleteau


Interview d’Amor Hakkar (BVV, mars 2008)

Passionné par le néo réalisme italien, fils cinématographique de Fassbinder, Sautet, Truffaut ou Kubrick, Amor Hakkar a écrit, réalisé, produit La Maison Jaune, son deuxième long métrage dont la sortie nationale est prévue le 5 mars. Rencontre avec un artisan du cinéma…

Est-ce difficile de faire votre métier à Besançon ?
Réalisation, production, promotion… oui, mener un projet à terme en région est un chemin chaotique. Faire du cinéma demande un budget lourd, un réseau important, et, quoi qu’on en dise, tout se passe à Paris. Nous ne sommes que trois ou quatre boîtes de production à exister réellement en province.

Comment est née La Maison Jaune ?
J’ai écrit un scénario pour un long métrage en 2004, qui a été repéré deux ans plus tard et récompensé par la fondation Beaumarchais/ SACD, qui aide financièrement les auteurs dans le travail d’écriture, de conception et participe à la réalisation de leurs projets. En 2005, j’ai créé Sarah Films pour transformer ce scénario en un film, La Maison Jaune, grâce au soutien du Centre national de la cinématographie (CNC) et de la Région Franche-Comté, entre autres.

Était-ce important de rester à Besançon, malgré toutes les difficultés ?
La Franche-Comté propose, ou dispose, de toutes les ressources nécessaires pour monter un film. Mon travail est avant tout guidé par la compétence, l’envie, le désir… C’est un choix audacieux, et à niveau égal, je privilégie les compétences comtoises. Ainsi de nombreux Bisontins ont participé à l’aventure, pour les décors, pour la technique, pour l’affiche du film. Le montage a intégralement été fait en Franche-Comté, la musique a été écrite, conçue et enregistrée dans la région par un auteur-compositeur franccomtois. Mais ce ne sont pas des Bisontins que j’ai fait travailler, mon choix s’est avant tout porté sur des techniciens et des artistes compétents.


Seul le tournage ne s’est pas fait à Besançon ?
J’y suis né, et pourtant c’est seulement en 2002 que j’ai découvert les Aurès. C’était un retour douloureux, pour l’enterrement de mon père. Durant quelques jours, mes rencontres et mes promenades à travers une région hostile et belle à la fois ont fait naître l’envie profonde et intime d’y réaliser un film. J’avais presque oublié que j’étais un enfant des Aurès. J’y suis revenu pour le tournage fin 2006…

Est-ce un film autobiographique ?
Pas du tout, et ce n’est pas non plus un film « algérien », ni « bisontin ». Il ne parle pas non plus de terrorisme, ni de guerre, ni de politique. Mais il porte en lui une dimension universelle. C’est, pour reprendre la Tribune de Genève, « un film qui rend heureux » ! Il y a, bien sûr, une addition d’éléments personnels, comme la découverte des Aurès ou l’épreuve du deuil, mais il y a aussi beaucoup de tendresse, beaucoup d’amour qui se développe entre les personnages. On pourrait y trouver pleins d’éléments autobiographiques, et pourtant c’est une fiction.

Que voulez-vous que le public y découvre ?
J’ai voulu montrer, après une épreuve, une rupture, un deuil, comment continuer à vivre, comment réapprendre à vivre, en n’étant, ma foi, pas trop malheureux. Comment, à partir de la mort, en tirer paradoxalement une ligne de conduite, de vie, en extraire de belles choses. Mon rêve est que chaque spectateur sorte du cinéma content, heureux, touché. Ça, c’est important.

Ce film vous a-t-il changé ?
Cela va paraître stupide, mais je sais aujourd’hui que je suis réalisateur. Ce film m’autorise à me dire ça après 20 ans de travail. Je crois savoir ce que je dois traiter maintenant au cinéma. Mon domaine, ce sont les gens simples. Je n’ai plus besoin de fioritures, d’effets spéciaux pour parler de ce qui est vrai, authentique. Pas besoin d’un grand destin pour avoir de belles et grandes vies. Je me sens en harmonie avec les sentiments et les émotions véhiculés dans ce film. Représente-t-il une étape importante dans votre vie ? Je crois que la vie consiste à se poser des questions et à essayer d’y apporter des réponses. Après une longue période d’errance, je peux dire que j’ai apporté une réponse à certaines questions. Je me sens aujourd’hui cohérent, j’ai fait un film qui me ressemble. Un film ne peut pas servir à donner un sens à votre existence. L’aigreur et la revanche sont des fardeaux nuisibles à la création. Il faut un temps pour tout, et il m’a fallu un temps nécessaire pour exprimer ce que j’avais au plus profond. Avec La Maison Jaune, je n’avais rien à prouver, et le film a à la fois fermé une parenthèse et ouvert de nouveaux horizons.

Que ressentez-vous, à l’approche imminente de la sortie nationale du film ?
De la pression, mais uniquement celle que l’on se donne. La Maison Jaune sera distribuée dans 20 salles sur tout le territoire. Ce n’est pas Astérix, mais c’est tout de même un bon début, lié à nos moyens financiers. Alors avec mon équipe, nous nous posons des milliers de questions : pourquoi projeter le film là et pas ailleurs ? Le public sera-t-il au rendez-vous ?… Mais tout ceci est un stress naturel, c’est le lot quotidien d’une boîte de production. Quelle est votre plus grande fierté ? Encore une fois, je ne veux pas que l’on dise que c’est un film « bisontin ». C’est avant tout un film « professionnel », toutefois ma grande fierté est d’avoir baladé les noms « Franche-Comté », « Ornans », « Besançon » un peu partout dans le monde, dans tous les festivals où le film a déjà été projeté. C’est ma façon de porter haut les couleurs de ma région ! Vous sentez-vous désormais dans « la cour des grands » ? L’année dernière, La Maison Jaune était en compétition officielle au festival de Locarno, aux côtés, entre autres, de Slipstream, d’Anthony Hopkins. Un moment impressionnant. Nous sommes depuis lors connus et reconnus de la profession. Alors la cour des grands, je ne sais pas, mais la cour de « ceux qui font des films », ça, certainement…

Xavier Fantoli

Extrait de l’entretien réalisé par Aurore Faivre, diffusé le 16/06/2003

Khenchela, Algérie

Besançon, France

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