C’est la vie ?

C’est à l’age de douze ans qu’il a fui ce qui était encore appelé l’Union Sovietique. Il ne savait même pas qu’ils avaient fui leur pays, sa mère, son frère et lui.


Puis, ils sont arrivés à Grenoble. En demandant le droit d’asile, la préfecture les a dirigé vers Marseille ; il n’y avait pas de place pour les héberger. C’est comme ça que depuis quatorze ans, il a commencé une vie de demandeur d’asile, de sans-papiers, de bricolage et de débrouille. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit ici à Besançon que lui soit détecté un cancer, et que ses soins en chimio, puissent lui permettre d’obtenir l’an dernier, un titre de séjour ?

« Quant nous avons quitté Grenoble pour Marseille, j’étais enfant et cela faisait pour moi partie d’une épopée, d’une aventure. Mais, arrivés à Marseille, nous n’avions pas où dormir ; nous avons dormi dehors tous les trois. Le lendemain, nous sommes allés au commissariat. Nous avons pu être logés dans un hôtel. Alors, les démarches administratives ont commencé : demande d’asile politique à l’O.F.P.R.A. (l’office français de protection des réfugiés et demandeurs d’asile). Ceci  a pris beaucoup de temps, plus de deux ans. Ce droit nous a été refusé. Puis nous avons été a la Commission de recours ; du temps encore, et de l’argent, car il fallait se présenter à Paris devant la Commission et se défendre, et avoir un avocat. Nous ne percevions plus rien depuis que l’O.F.P.R.A. avait rejeté notre dossier, Maman n’avait pas légalement le droit de travailler, et nous les enfants non plus.

Maman est une cuisinière très qualifiée dans son travail. Mais elle ne pouvait pas justifier de ses qualifications ici ; elle faisait des ménages au noir, mon frère et moi travaillions au noir aussi, tant que nous le pouvions, dans la maçonnerie. Mes connaissances en anglais nous ont permis de nous faire comprendre au début, puis, nous avons appris le français. Tous nos demandes et recours pour l’asile ayant été refusés, il ne nous restait plus qu’à demander l’asile territorial, ce que nous avons  fait. Lui aussi nous a été refusé.
C’est donc au jour le  jour, vivant de colis de la Croix Rouge, de différentes aides et du travail au noir quand nous pouvions, que nous vivotions tant bien que mal. Quand c’était vraiment la galère, je prenais ma guitare, et je jouais dans la rue en faisant la manche. Puis un jour, en chatant sur le net, j’ai  rencontré une « Ame Perdue » comme moi. Elle habitait la Cote d’Or. Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes plus, et nous ne nous sommes plus quittés.

Nous avons déménagé tous les deux à Besançon, pour des raisons de travail. Nous avons voulu nous pacser, et on nous a demandé un an de vie commune ; puis nous sommes allés à la préfecture, demander ma régularisation par ce biais ; c’était compliqué et, pendant que le dossier était en cours, je suis tombé malade. J’avais une bosse au menton ; j’ai été opéré, et il s’est avéré que j’ai un cancer. Au cours de ma chimiothérapie, j’ai bénéficié du statut « d’étranger malade ». Ceci me donne droit au titre de séjour. Mais il a fallu encore me battre pour l’obtenir, car les agents du bureau « Etrangers », malgré la lettre du préfet m’octroyant  ce titre, me réclamaient un passeport et un acte de naissance que je ne peux obtenir. Il a fallu le soutien de la Cimade pour que me soit enfin délivré ce titre de séjour.

Nous allons bientôt nous marier, ma compagne et moi. C’est aussi le début d’une nouvelle vie dans laquelle ce parcours dont je vous ai parlé fera partie des souvenirs. Je peux déjà dire en y pensant : c’est la vie… »

Témoignage de Eugenij P. recueilli en avril 2011 par François Zoomevelée

Grenoble, France

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