Une histoire qui commence au Vietnam. Le pays des ravages politiques, économiques et humains. La terre natale de M. Dinh, originaire de Ho Chi Minh, où il vit jusqu’à ses 21 ans. En désaccord avec la réalité qui l’entoure et dans la recherche d’une vie meilleure, il fuit son pays en 1987 s’accrochant aux planches d’un bateau, tout comme environ trois millions de personnes entre 1975 et 1997, nommées « Boat-people ». Comme une feuille qui se détache de son arbre, soulevée par le vent, sans savoir où elle atterrira, il se retrouve tout d’abord en Singapour, ensuite, en Amérique :
M. DINH :
« Les rescapés de notre bateau ont été hébergés chez les proches, les amis, dans les familles qui vivaient déjà en Amérique. Moi, je n’avais personne. Je restais au bord du quai et je guettais l’arrivée des bateaux… Au bout de trois mois j’ai repéré un bateau français et je suis monté dedans. Je n’avais pas de but précis, j’ai songé seulement à la sécurité, la liberté et à une vie plus paisible…A mon arrivée en France, je me suis retrouvé à Besançon où j’ai obtenu le statut de réfugié politique. J’étais installé dans une chambre au Forum de Planoise (hébergement social) où je suis resté six mois. Ensuite, j’ai trouvé du travail. Un travail qui n’exigeait pas de connaissances de la langue. Je ne parlais pas français, mais pour les papiers ce n’était pas très important. En 1999 (12 ans plus tard) j’ai obtenu la nationalité française. J’ai trouvé un appartement et j’étais bien…cependant, je souffrais de solitude, d’isolement. Le quartier de Planoise est un carrefour du monde ; à l’extérieur « la fourmilière » m’entourait…mais, à l’intérieur… je me retrouvais seul.
A la fin de l’année 1999, je suis parti voir mes proches au Vietnam. « Beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts » depuis mon départ. J’ai pu constater que là-bas certaines règles et usages m’échappaient : tout semblait connu et étrange à la fois, et moi j’avais pris des habitudes françaises…. Je pense qu’une fois qu’on est dans le pays d’origine, on se pose la question de savoir si le retour est possible. Pour moi, c’était évident : j’avais choisi la France. Je suis retourné encore une fois dans mon pays en 2002 car ma mère était malade, en 2003 elle est décédée.
Enfin, je commençais vraiment à sentir le poids de la solitude et je suis retourné au Vietnam en 2004. Là-bas j’ai rencontré Thuy-Vy et je suis tombé amoureux… Une histoire d’amour qui dure encore aujourd’hui. Nous nous sommes rencontrés à Ho Chi Minh au mois de juillet 2004 et elle a pu venir en France au mois de décembre de la même année, suite à notre mariage. Ma vie a pris alors un nouveau tournant… Au travail, on m’a proposé une formation professionnelle en informatique. Aujourd’hui j’ai un poste de technicien en plastique. Je suis père de deux filles adorables…Le français ? Je le comprends, mais je pense que ma femme progresse plus que moi…
Mme.DINH :
Je suis venue en France suite à mon mariage. Pour moi c’était la première fois que je quittais mes proches, ma ville, mon pays. Dans mon pays j’avais un travail ; j’étais secrétaire dans une entreprise.
Ici, à Besançon, au départ je me suis sentie perdue. Nos soucis ce n’étaient pas les papiers, j’avais un statut reconnu. J’ai obtenu ma carte de séjour. Mais, je ne savais pas où apprendre la langue française. Mon mari n’a jamais suivi de cours de langue. J’ai commencé à faire des recherches sur internet et dans un premier temps, je me suis adressée à un centre de formation. Ils m’ont dit d’attendre… J’ai attendu plusieurs mois et je n’ai pas eu de nouvelles… Pendant ce temps-là, mon mari travaillait, et moi, j’ai souffert de la solitude. Je montais dans le bus de ville, sans but précis. J’ai pu découvrir Besançon, mais encore aujourd’hui je ne sais pas si vraiment je pourrais dire que je connais cette ville. Mon mari m’avait présenté quelques amis à Besançon, tous d’origine vietnamienne. Entre-temps, la naissance de nos deux filles m’a apporté le bonheur et a rempli ce vide qui m’entouré..
En 2010 j’ai vu sur internet que l’OFII (Office français de l’intégration et de l’immigration) pouvait m’aider et m’orienter dans mes recherches…Ainsi à ma demande, je suis devenue signataire du CAI (contrat d’accueil et d’intégration) et j’ai pu avoir accès aux cours de langue. J’ai pu également profiter d’un dispositif (Accueil de femmes nouvellement arrivées en France) mis en place par L’OFII et le site « Migrations à Besançon » au sein du CCAS. Cette expérience m’a permis d’apprendre beaucoup de choses, pas seulement dans le domaine de la langue, mais aussi dans celui de la vie quotidienne, de la santé, du travail…et aussi j’ai pu enfin créer des liens, nouer des relations amicales.
Ensuite, j’ai eu l’opportunité de travailler pour première fois en France. J’ai obtenu un contrat à durée déterminée de six mois dans l’usine où travaille mon époux. C’était bien, mais comme je ne parle pas très bien le français, j’avais l’impression que mes collègues ne voulaient pas « perdre » de temps avec moi. Je suis consciente que je dois apprendre davantage la langue française. Mais, quand on n’a pas trop de contacts avec des personnes qui parlent le français, c’est difficile… on été invité une fois à diner chez une collègue de mon mari. En 8 ans de vie en France, c’était la seule fois… Et moi, j’ai envie de recevoir aussi, j’aime cuisiner…je suis un peu timide, je n’ose pas faire le premier pas.
Avec les filles je parle vietnamien, avec mon mari aussi. Mais, mes filles sont scolarisées et elles me parlent de plus en plus en français. Depuis quelques mois, je suis au chômage et je me suis inscrite à « l’école des parents » au sein d’établissement scolaire de mes filles. Je suis dans un groupe de parents de diverses origines. Cela m’aide à progresser. Peut-être pas très vite, mais j’avance.
Avant, avec ma famille on partait dès que possible au Vietnam. Ce dernier temps on souhaite plutôt découvrir la France. Nous sommes allés à Paris, à la mer dans Midi…
En même temps, on pense aussi à notre culture d’origine. On souhaite transmettre à nos enfants nos traditions, nos coutumes. Ma fille m’a dit qu’à l’école on l’appelle «la chinoise ». Il y a une ignorance de la part des enfants quant aux origines, à l’apparence (couleur de peau ou yeux bridés)…
Bref. Ma vie précédente m’a appris à vivre avec une certaine philosophie. Cela m’aide à être en harmonie avec le passé et le présent. Le futur ? On verra.
Propos recueillis par Tanja Nikolova. Avril 2012
Hồ Chí Minh, Hô Chi Minh, Vietnam
Besançon, France