Odette et ses ancêtres gaulois

Elle est née en Côte d’Ivoire dans les années 50. Son père et sa mère, originaires de ce pays, étaient cependant français, elle est donc française.


« Je ne sais pas trop comment expliquer que nous ayons gardé, même après l’indépendance de mon pays d’origine, la nationalité française. Nos actes de naissance, nos livrets de famille, tout, même après l’indépendance, en 1960, se faisaient au consulat de France. Mon nom, B…, n’éveillait aucun soupçon quant à ma nationalité française. C’est lorsqu’il a fallu me présenter aux différents examens scolaires et universitaires que j’ai su que j’avais la nationalité française. Une nationalité française de fait, et non acquise par mariage ou naturalisation. Je suis la benjamine d’une famille de cinq enfants. Mes frères aînés sont pour certains installés aux Etats-Unis, pour d’autres en Angleterre, avec leur statut non pas de travailleurs immigrés ivoiriens, mais de Français expatriés.

Je travaillais dans une banque française en Côte d’Ivoire, j’avais aussi investi dans différents petits commerces locaux, mais surtout dans l’immobilier. J’ai des appartements que j’ai mis en location, ce qui me garantit une rente raisonnable.

Par le plus grand des hasards, ma fille aînée s’est mariée à un « Français blanc », qui vivait à Abidjan. Puis, ils sont venus tous les deux habiter à Besançon. J’ai été invitée à venir séjourner chez eux, ici. J’ai voyagé avec mon passeport français, délivré par les autorités françaises en Côte d’Ivoire, au Consulat. J’ai commencé à envisager d’habiter ici, car ma santé n’était pas terrible -il a fallu que je sois plusieurs fois opérée-. Les cartes d’identité françaises plastifiées et informatisées se mettant en route, je suis allée en demander une à la Préfecture de Besançon.

Ce fut le drame ! Pas de poursuite dans un premier temps. Puis, après deux mois d’attente, je suis allée à la Préfecture demander où en était ma carte nationale d’identité, car tout ce qui m’avait été demandé, je l’avais fourni. J’ai été appréhendée par la police. Cette dernière est venue m’interpeler là, à la Préfecture, alors qu’on me demandait d’attendre car, disait-on, on allait me recevoir dans un service spécialisé. Le service spécialisé, ce fut le commissariat où je suis restée en garde à vue… J’étais en réalité soupçonnée d’avoir de faux papiers français. Mon passeport m’a été retiré, confisqué. J’ai été interrogée sans ménagement par des policiers qui voulaient à tout prix que je dénonce le réseau de trafiquants par lequel j’avais obtenu mon vrai faux passeport français ! L’un des policiers qui m’interrogeaient m’a dit qu’ « il est clair et évident qu’avec votre couleur de peau, vos ancêtres ne peuvent être gaulois, donc arrêtez vos histoires ! ». J’ai été relâchée ; au bout d’une semaine, j’ai reçu une lettre recommandée du Préfet, qui m’invitait à quitter le territoire français. Je ne comprenais plus rien. Heureusement, j’ai eu un très bon avocat, Maître Dufay. Il a saisi le tribunal administratif. Je n’oublierai jamais sa plaidoirie qui m’a réconciliée un peu avec cette France administrative qui me rejetait parce que je n’étais pas… blanche. Mon père était Chevalier de la Légion d’honneur, cela faisait partie des arguments par lesquels mon avocat justifiait son indignation par rapport à l’O.Q.T.F. (Obligation à Quitter le Territoire Français) qui m’avait été signifiée.

Maintenant, alors que ma situation en tant que Française à Besançon est complètement « régularisée », j’appréhende beaucoup mon futur voyage en Côte d’Ivoire. Malgré la situation actuelle là-bas, je dois m’y rendre pour enterrer ma mère. Je serai sans doute rejetée là-bas aussi, me retrouvant comme une chauve-souris, reniée par les oiseaux qui la considèrent comme un vulgaire animal carnassier, à cause de ses dents, et que les mammifères rejettent, la renvoyant chez les oiseaux, à cause de ses ailes…

Propos recueillis en avril 2011 par François Zoomevelée

Côte d'Ivoire

Besançon, France

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