Colette Sala ne sait pas ce que veut dire « être d’un pays » mais la Tunisie où elle est née est son « pays d’enfant », il ne lui appartient pas, elle n’en parle pas la langue et cependant elle se sent très émue et concernée par ce qui s’y passe politiquement…
Elle a quitté la Tunisie à l’âge de 15 ans et y est retournée en vacances 3 ou 4 fois.
Elle est née à Tunis (où elle habitait avenue Jules Ferry, l’actuelle avenue Bourghiba) par hasard. Sa mère, franc-comtoise née à Cléron en 1901 était une passionnée de lecture (V. Hugo et… P. Loti !) et rêvait d’ »Orient ». Elle était fille d’artisans de fla vieille école et le seul moyen qu’elle avait de « partir » était de se marier, ce qu’elle a fait, à 18 ans, avec un militaire français qu’elle a incité à se rendre en Tunisie. C’est là qu’elle a rencontré un fringant italien avec lequel elle s’est mariée par la suite et dont elle a eu deux filles Colette et sa sœur jacqueline.
Les grands-parents italiens étaient de Godiasco, près de Voghera dans la province de Pavie en Lombardie, où ils avaient une petite exploitation agricole. Ils eurent neuf enfants dont deux morts en bas-âge. Le grand-père étant mort prématurément la grand-mère, après la 1e guerre mondiale et la démobilisation de ses fils, et ceci pour des raisons économiques, est partie avec 4 de ses enfants, non encore établis en Italie, retrouver des cousins en Tunisie où ses enfants ont trouvé du travail.
Et c’est ainsi que les parents de Colette se sont rencontrés à Tunis ;
Il semble à Colette que les communautés, bien qu’habitant (parfois) des quartiers spécifiques (musulmans, juifs, français) vivaient en bonne intelligence, au moins sans agressivité…
Or, les italiens, furent dès la déclaration de la deuxième guerre mondiale, considérés comme des traitres « le coup de poignard dans le dos ». Colette et sa sœur devinrent des filles de « macaroni » scolarisées aux « Dames de Sion » pensionnat religieux, près de Tunis.
Colette a souffert de ce mépris à l’encontre des Italiens et à 7 ou 8 ans elle rêvait d’être blonde, grassouillette, d’avoir les yeux bleus et sur le bras la cicatrice un peu élargie d’un vaccin antivariolique… mais elle était petite, mince et châtain et sa mère, par souci esthétique l’avait fait vacciner à la cheville !
L’occupation allemande fut de courte durée, le débarquement des alliés eut lieu en 1943. Les parents de Colette antimilitaristes et pacifistes ne fréquentèrent aucun militaire quel qu’en soit le bord.
La guerre, les bombardements nombreux = aucun mauvais souvenirs… (elle était trop jeune pour comprendre) plutôt des bons = jours sans école, collection d’éclats d’obus etc… avec l’arrivée des américains découverte des chewing-gum ! Une grande honte cependant la chanson « c’est nous les africains » caricaturée en « c’est nous les italiens » se terminant par « caquer à ses pieds » au lieu de « mourir à ses pieds ».
Le rêve de Colette « partir en Afrique », elle ne pensait pas, alors, que la Tunisie c’était déjà l’Afrique.
Le retour en France s’est fait parce que la sœur de Colette voulait faire des études de médecine. Il n’y avait pas de fac de médecine à Tunis, à l’époque, les grands parents maternels habitaient Besançon et tout naturellement la famille s’est installée dans cette ville.
A Besançon le père, passionné d’Art et armé d’un petit pécule, a investi dans une galerie de peinture. Le pécule ayant vite fondu il s’est reconverti en gardien de Musée où sa culture artistique et son enthousiasme lui valurent beaucoup d’amis.
Colette a fait les Beaux Arts et est devenue peintre.
Son lien avec l’Italie est limité à la beauté du pays. Son père a toujours refusé de parler italien en famille, il intégrait parfois un peu de patois lorsqu’il parlait avec son frère ou lorsqu’il comptait.
Une fois Colette et sa sœur sont allées ensemble en Italie, lors du jumelage de Besançon et Pavie, et en ont profité pour faire un mini pèlerinage dans le village natal de leur père : Godiasco, elles étaient en voiture décapotable et ont été prises pour des américaines par les très vagues et éloignés cousins ! Il y a de nombreux SALA aux U.S.A. comme tant d’autres émigrés.
Colette a gardé une attirance pour le tempérament du Sud : l’accueil, la relation aux autres, la spontanéité mais a découvert avec émotion la neige, les paysages plus sombres ou plus violents de la Franche-Comté et ne souhaiterait pas vivre ailleurs.
Colette pense que, à part quelques voyageurs curieux et aventureux, sans de graves raisons économiques ou politiques, il n’y aurait pas d’émigration, qu’il est urgent de se préoccuper de veiller à ce que les pays puissent faire vivre leurs populations sans être pillés pour des raisons financières et de corruption : on peut toujours rêver !!!!
Elle reprend une phrase du chanteur québécois Gilles Vigneault « tous les humains sont de ma race »….
Témoignage de Colette Sala recueilli par Gigliola BORIN – mars 2013
Tunis, Tunisie
Besançon, France