Les migrants et leurs langues : le cas de la famille Salvio

Que deviennent les langues apportées par les migrants une fois qu’ils sont installés en France ? Sont-elles transmises d’une génération à l’autre dans les familles ?


Sont-elles progressivement abandonnées au profit du français ? Ce sont ces questions qui m’ont amenée à entreprendre une recherche pour essayer de comprendre les parcours linguistiques familiaux sur plusieurs générations.

Je vais présenter le cas d’une famille originaire d’Italie, la famille SALVIO, à partir de deux entretiens que j’ai eus avec Francesco, puis avec sa fille Paula. Le père de Francesco, Pietro, a quitté son village du Piémont au début des années 30 avec un de ses frères pour venir s’installer dans le Haut-Doubs (secteur de Pontalier). Il avait alors 11 ans. La mère de Francesco, Maria, originaire d’un autre village du Piémont, a rejoint son propre père dans les années 40. Ce dernier avait migré après la Première Guerre mondiale dans le Haut-Doubs (secteur de Maîche). Le père et la mère de Francesco se sont rencontrés en Franche-Comté où ils se sont mariés en 1946. Ils ont eu quatre enfants et Francesco est le 2ème enfant du couple. Francesco aura lui-même quatre enfants, dont Paula avec qui j’ai eu un entretien.

Les témoignages de Francesco et de sa fille Paula m’ont permis de reconstituer en partie l’histoire familiale des langues depuis la génération des parents migrants, en passant par la 1ère génération née en France (représentée par Francesco) et par la 2ème génération née en France (représentée par Paula). La carte linguistique familiale qui a été établie montre les grandes lignes de l’évolution des langues au sein de la famille Salvio sur trois générations. On voit que les langues des parents migrants (le bergamasque et l’italien) commencent à disparaître chez leurs enfants et que le français est la langue maternelle de tous les enfants de Francesco. C’est ce phénomène de rupture, d’abandon, que j’ai cherché à comprendre et qui est exposé dans la 1ère partie de cette étude. La 2ème partie est plus particulièrement centrée sur l’italien et présente un point de vue plus personnel, celui de Francesco et de Paula, où sont exprimés les liens intimes que chacun a avec cette langue symbole de leur origine familiale.

Rappelons qu’en France, l’émigration italienne, piémontaise et toscane, est ancienne et très importante dès la fin des années 1860 au moment où s’achève l’unité italienne. Les raisons principales sont la crise de l’agriculture et des économies locales. Un réseau durable de traditions migratoires se forme et de petites colonies italiennes se constituent dans diverses régions de France (Pyrénées orientales, Nord de la France, Franche-Comté…). Les migrants italiens travaillent dans le bois ou dans le bâtiment. En 1926, 451.000 Italiens sont recensés en France ; ils sont officiellement 808.000 cinq ans plus tard, soit presque le double. Ils sont également nombreux en Franche-Comté : en 1931, ils représentent 40% du total des étrangers (J. Ponty, L. Hin, 2009). C’est une émigration de masse de personnes originaires de la Vénétie et du Piémont, sur un axe allant du Frioul à Bergame (P. Milza, 1986). La famille Salvio s’inscrit dans ce processus continu de migration italienne.

Lire le texte complet de cette étude

Gisèle HOLTZER, Professeur émérite, Laboratoire Laseldi, Université de Franche-Comté, juillet 2009.

Piemonte, Italie

Pontarlier, France

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