Les importantes pertes humaines consécutives à la Première Guerre mondiale et la prospérité économique des années 1920 engendrent un manque de bras dans l’agriculture et plus encore dans l’industrie. Ce déficit est comblé, en Bourgogne et en Franche-Comté comme dans l’ensemble du pays, par un recours accru à la main-d’œuvre étrangère, y compris sa composante féminine. L’immigration suisse continue de progresser numériquement, mais elle est supplantée en valeur relative par l’apport italien. Les Italiens deviennent en effet la communauté étrangère la plus importante et entrent massivement dans les usines. Ils y côtoient des ouvriers coloniaux et chinois demeurés sur place après l’Armistice ou arrivés après le conflit. L’afflux dans la région de travailleurs en provenance d’Europe centrale (Tchécoslovaquie et surtout Pologne) est parallèlement favorisé par la signature par la France de conventions d’immigration avec les pays de départ. La création, en 1924, de la Société générale d’immigration (SGI) accélère et rationalise le recrutement de cette main-d’œuvre. À l’inverse dans les années 1930, la crise économique et sociale ainsi que les effets de la politique de protection du travail national, symbolisée par le vote de la loi éponyme du 10 août 1932, engendrent un mouvement de reflux des travailleurs étrangers. D’aucuns tentent toutefois de changer de métier pour demeurer dans la région. À la fin de la décennie les succès successifs des troupes du général Franco dans la guerre civile espagnole entraînent l’afflux en Bourgogne et en Franche-Comté de réfugiés républicains, à l’égard desquels l’opinion publique éprouve, selon sa sensibilité et son orientation politique, des sentiments opposés allant de la plus grande compassion au plus vif rejet. Au lendemain de la Grande Guerre, la région a déjà accueilli d’autres réfugiés, tels les Russes blancs ou les Géorgiens défaits par les Bolcheviks et les survivants du génocide arménien.
Stéphane Kronenberger